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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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obtenu le droit de bourgeoisie dans le canton de Thurgovie, et qu’en
suite de la naturalisation qu’il a acceptée et d’après la Constitution de l’État
de Thurgovie et la législation française, il n’est et ne peut être que citoyen
de Thurgovie ». Les députés à la Diète de Genève et de Vaud, MM. Jean-Jacques
Rigaud et Charles Monnard, furent aussi d’avis de repousser la demande
française.
    L’intervention du Vaudois Charles Monnard, homme sage et
résolu, fut particulièrement appréciée. « Il n’y a personne en Suisse qui
sympathise, ni avec la personne de Louis Napoléon ni avec ce qu’il veut appeler
fastueusement sa cause. Nous n’avons ici aucune affection personnelle mais il
faut voir, derrière l’homme dont on nous demande l’expulsion, une cause ; la
cause, c’est la volonté d’abaisser la Suisse ; l’occasion, on l’a fait
naître, et si celle-ci échappait, on en aurait bientôt trouvé une autre pour se
plaindre de nous. N’attendons pas qu’on ait trouvé un motif fondé de plainte.
    » Il s’agit pour la Suisse d’être ou de n’être pas ;
pour la nation, il n’y a pas d’honneur sans indépendance. Si nous cédons, si
nous obéissons aux ordres de la France, nous continuerons peut-être de végéter,
mais nous n’existerons pas.
    » Pour la France, la question est de peu de gravité, en
proportion de ce qu’elle est pour la Suisse. Or, si la Suisse résiste, fondée
sur son droit, la France, la grande nation, voudra-t-elle écraser un petit
peuple qui se refuse à céder à des exigences qu’il trouve injustes ?
    » Nous devons, avec toute la fermeté possible et en
même temps avec la plus grande modération, repousser la demande de la France. Et
cette demande, nous la repousserons tous également, ceux qui regardent Louis
Napoléon comme citoyen suisse et ceux qui ne voient en lui qu’un étranger, placé
sous la protection du droit d’asile. Céder aujourd’hui, ce serait se résoudre à
céder toujours. »
    Le vote ayant fait apparaître, à la Diète, une majorité de
dix-huit cantons sur vingt-deux pour le rejet de la demande française, le
Directoire fédéral fit savoir au duc de Montebello que la Suisse refusait d’envisager
l’expulsion d’un de ses nationaux.
    — Va-t-on aller jusqu’à la guerre avec la France ?
demanda Élise à son mari, immédiatement mobilisable comme officier de l’élite.
    — Louis Napoléon est un hôte encombrant, certes, et sa
bourgeoisie thurgovienne, bien que réelle en regard du droit international, est
plus honorifique que fondée, mais Charles Monnard a raison, quand il se place
sur le terrain des principes. La souveraineté de la Suisse doit être affirmée, confirmée
et défendue, même si la cause est douteuse, dit Axel.
    En réponse au refus suisse, le gouvernement français s’estima
convaincu « qu’après un peu trop de bruit, peut-être, la France finira par
obtenir satisfaction, sans avoir besoin de recourir à la force », mais
donna l’ordre de former des bataillons de guerre sans retard, à Lyon, Besançon
et Belfort.
    L’incident se développa jusqu’en automne, sujet de toutes
les conversations, tandis que grandissait la menace d’un conflit, que tous les
gens sensés qualifiaient de stupide, voire suicidaire.
    Quand une dépêche de Paris, publiée par la Gazette de
Lausanne le 28 septembre, révéla : « L’affaire de Suisse a
vivement préoccupé les esprits à la Bourse. On commence à craindre un fort mouvement
de baisse si la réponse de la Diète reste négative », les banquiers
suisses se réjouirent. Les spéculateurs craintifs commençaient à convertir la
rente française en actions étrangères disponibles sur les places de Zurich et
de Genève.
    Dans le même temps, on apprit, en Suisse romande, que douze
mille soldats français cantonnaient dans le pays de Gex, que le préfet inspectait
la frontière, escorté par une escouade de gendarmes. Le général Antoine Aymard
qui, en 1834, avait sauvagement réprimé l’insurrection des canuts lyonnais, commandait
cette armée, mobilisée contre la Suisse. Il venait d’adresser, aux troupes
réunies dans les départements de l’Ain, du Jura, du Doubs et de la Haute-Saône,
un ordre du jour belliqueux : « Soldats qui marchez les premiers, la
cause que vous allez défendre est celle du bon droit et de l’honneur français ;
le roi et la patrie ont les yeux fixés sur vous, soyez dignes d’eux en

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