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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dignité, ne s’était
pas satisfait de la retraite dorée que lui valait le legs de l’empereur. Bon
citoyen, il s’était, dès son retour de Sainte-Hélène, en 1821, mis au service
de l’armée de son canton. Promu capitaine de dragons, il avait commandé, le 3 août
1833, à Bâle, le détachement de la cavalerie vaudoise requis par l’armée fédérale
pour mettre fin au conflit entre citadins et campagnards bâlois. Querelle
sanglante, qui avait abouti à la séparation du canton, de Bâle en deux
demi-cantons, Bâle-Ville et Bâle-Campagne.
    À la mi-juillet, quand on sut que la Belle Poule, frégate
de soixante canons, escortée de la corvette Favorite, avait quitté
Toulon pour Sainte-Hélène, Blaise de Fontsalte et Claude Ribeyre de Béran se
rendirent à Genève, pour tenir la promesse faite aux grognards désargentés du
café Papon et leur porter le viatique qui leur permettrait d’aller à Paris
assister au retour des cendres de l’empereur. À cette occasion, ils
rencontrèrent un colonel de leurs amis, qui revenait de Toulon, où il avait
assisté, le 7 juillet, à l’embarquement des privilégiés en partance pour
Sainte-Hélène.
    — Vous ne pouvez imaginer le nombre de ceux qui ont la
nostalgie de l’Empire que nous avons connu, dit-il.
    Une foule considérable avait, en effet, assisté à l’appareillage
des deux bateaux, dans l’espoir d’apercevoir ceux qui, par fidélité, avaient
vécu la proscription avec l’empereur et s’en allaient accomplir l’ultime et
pieuse mission. À Toulon, des centaines de bonapartistes avaient acclamé les
rares privilégiés qui embarquaient sur la Belle Poule, dont le général
Bertrand, ex-grand maréchal de la cour impériale qu’accompagnait son fils cadet,
Arthur Bertrand, né à Sainte-Hélène. « Le seul Français qui soit entré
dans l’île sans la permission de Hudson Lowe », avait dit M me  Bertrand
en mettant son fils au monde ! Trop âgé pour faire un voyage qui promettait
d’être éprouvant, le comte de Las Cases, auteur du fameux Mémorial de
Sainte-Hélène, avait délégué son fils, le baron Emmanuel de Las Cases.
Blaise de Fontsalte n’avait pas grande estime pour ce rejeton du mémorialiste, devenu
député du Finistère en 1831 et, depuis, assez bon courtisan pour s’être vu
confier des missions diplomatiques, en Haïti notamment. Aux bonapartistes qui
le trouvaient un peu trop monarchiste Las Cases fils aimait à rappeler qu’il
avait, de justesse, échappé, en 1825, à Paris, à un attentat ourdi par Hudson
Lowe, le geôlier de Napoléon, qu’il avait frappé d’un coup de cravache à
Londres, en 1821, parce qu’il refusait de se battre en duel !
    Le général Gaspard Gourgaud, ancien aide de camp de l’empereur,
était aussi du voyage. Possesseur envié de l’épée que Bonaparte portait aux Pyramides,
il était estimé de tous les vétérans parce qu’il avait eu le front de porter, sous
Louis XVIII, un toast à l’empereur, alors exilé à l’île d’Elbe, et surtout
parce qu’il avait vengé l’honneur de la Grande Armée en blessant grièvement en
duel M. de Ségur, auteur d’un ouvrage odieux, plein de calomnies sur
Napoléon et ses soldats.
    Ceux qui avaient servi Napoléon jusqu’à sa mort éveillaient
autant de curiosité que de sympathie, notamment Louis-Etienne Saint-Denis, dit Ali,
qui n’était mameluck que de nom mais dont tous les bonapartistes savaient qu’il
avait été le meilleur et le plus fidèle des serviteurs de l’empereur et, souvent,
le très scrupuleux copiste des Mémoires du proscrit. Avec Louis Marchand, autre
fidèle, Achille-Thomas Archambault, le cocher, Pierron, le cuisinier, avait
embarqué Jean-Abram Noverraz, le Lausannois. Un prêtre replet, l’abbé Coquererau,
confesseur de la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, faisait fonction
d’aumônier de l’expédition.
    Lorsque les deux vaisseaux seraient sortis de la rade, on
allait être sans nouvelles d’eux pendant des semaines.
    Après ce printemps réparateur, l’été apporta une émotion
moins flatteuse aux bonapartistes. Depuis qu’il s’était résolu à quitter la
Suisse, en octobre 1838, Louis Napoléon menait à Londres, grâce à l’héritage
de sa mère, la reine Hortense, un train princier, dans un bel hôtel de Carlton
Gardens. Servi par dix-sept domestiques, entouré de fidèles, le neveu de l’empereur
courtisait des ladies, troussait des actrices et des

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