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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ville ! Faut aller les
déloger ! » cria un excité, tandis qu’un autre tentait de recruter
des blousiers pour un nouvel assaut des tours de Saint-Pierre.
    Quand on apprit au Conseil représentatif cette résurgence de
la menace, le Premier syndic Rigaud décida, pour éviter l’effusion de sang et
faire pièce aux amis de Fazy, prêts à s’emparer du pouvoir par la force, de
céder aux revendications des réformateurs qui voulaient une évolution sans
révolution. Il fit adopter, sur-le-champ, une résolution prévoyant la
convocation prochaine d’une Constituante, élue par tous les citoyens, le
Conseil d’État devant soumettre, dans un délai de quinze jours, le mode d’élection
de cette assemblée. Les délégués élus seraient chargés d’élaborer une Constitution
qui, mesure nouvelle, serait soumise à l’appréciation des citoyens. Quand le
député Gide, membre éminent du Trois-Mars, eut confirmé, penché à une fenêtre, les
fermes décisions du Conseil, le calme revint et les miliciens purent, sans
heurts notables, dégager les abords de la fontaine de l’hôtel de ville, point
de ralliement habituel des manifestants.
    Un moment plus tard, ayant regagné la rue des Granges, Axel
Métaz rapporta à Pierre-Antoine Laviron les événements dont il venait d’être
témoin. Le banquier, déjà informé, l’entraîna sur la terrasse de son hôtel qui,
comme la plupart des belles demeures de la rue des Granges, dominait la montée
de la Treille.
    — Voyez-vous, mon ami, sous Rigaud, Genève vient de
connaître vingt-cinq ans de bonheur. Nous avons mangé notre pain blanc d’aristocrates !
À dater de ce jour, nous entrons dans une ère nouvelle, pleine d’incertitudes
mais aussi d’espérances. Notre ami Chantenoz a raison de nous rappeler, souvent,
que le monde a changé. Le pouvoir ne peut plus être le monopole de la classe
possédante. La classe productive s’instruit et veut participer aux décisions. Si
vous considérez les gouvernements, composés de vingt-huit membres, qui se sont
succédé à Genève depuis 1814, vous ne relèverez que soixante-cinq noms
différents ! C’est dire que les mêmes familles se partagent le pouvoir
depuis vingt-sept ans !
    — Je crois que les conservateurs intransigeants sont
maintenant dessillés, dit Axel.
    — Croyez-vous ? Considérez maintenant la Fabrique,
honneur, prestige, richesse de Genève. Elle est en crise grave, du fait d’une
mécanisation inéluctable et, même, nécessaire, des ateliers. Mais nos
manufactures souffrent du manque de commandes pour écouler l’augmentation
sensible de la production des montres. Grâce aux machines inventées par Georges
Leschot, on peut, aujourd’hui, construire une montre en moins de temps et à
meilleur prix qu’autrefois. Cela n’empêche pas nos cabinotiers de fournir, à
ceux qui peuvent payer le prix, les plus belles montres faites à la main. Mais
pour rendre l’usage de la montre accessible à plus de gens, il faut, d’abord, laisser
nos fabricants utiliser l’or au titre qu’ils souhaitent. Il faut supprimer le
titre obligatoire de l’or à 18 carats, qui régit la Fabrique depuis 1814. On
peut même utiliser du plaqué, pour les gens à petits moyens. Les politiciens
radicaux demandent la pleine démocratie en politique, nous devons l’accepter et
même la souhaiter en matière de commerce et d’affaires. Pourquoi ne pas commencer
par la démocratisation de la montre ? C’est la proposition de Cherbuliez, qu’on
ne peut taxer de radicalisme.
    L’entrée d’Alexandra mit fin à cette conversation.
    — Alors, parrain, on a fait la révolution, ce matin !
Moi, j’ai tout vu de ma fenêtre.
    — Et qu’as-tu vu, de si extraordinaire ? demanda
Axel.
    La jeune fille eut le regard rieur qu’il lui connaissait
depuis l’enfance.
    — J’ai vu le peuple et M. Fazy. Le souverain et le
serviteur. Mais ces rôles, parrain, ne sont-ils pas échangeables ?
    Cette boutade prouvait que la jeune fille n’était pas
dépourvue de sens politique. Cela amusa les deux hommes.
    Après le déjeuner, pris en commun, Alexandra accompagna son
parrain jusqu’au quai, où était amarré l’ Ugo, à bord duquel Axel devait
rentrer à Vevey. Alexandra lui prit la main tendrement.
    — Parrain, je dois te faire une confidence.
    — Tu as un amoureux ? interrompit Axel en riant.
    — Tais-toi, tu sais bien qui j’aime, non ?
    — Alors, ta confidence ? éluda Axel.
    — Il

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