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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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et accepter des volontaires, dits embrigadés, pour
garder l’hôtel de ville que des excités tentèrent vainement d’investir au cours
de la nuit du 21 novembre. D’autres, qui avaient reçu pour consigne des
meneurs radicaux de s’emparer des tours de Saint-Pierre, afin de sonner les
cloches au moment opportun pour appeler le peuple à l’action, échouèrent aussi
dans leur tentative insurrectionnelle. La Clémence demeura muette et la Cloche
des heures ne fit que rythmer, comme toujours, l’écoulement des instants fastes
ou tragiques.
    Le 22 au petit matin, Axel rêvassait encore dans la chambre
qu’il occupait lors de ses séjours à Genève, chez les Laviron, quand il fut
tiré de sa somnolence par une sourde rumeur qui montait de la Treille. Il se
hâta de s’habiller et sortit, bien certain que la foule qui affluait vers la
promenade se préparait à investir l’hôtel de ville où siégeait le Conseil
représentatif. Quelques pas entre les groupes de blousiers [149] réunis sous les
marronniers défeuillés, et des propos perçus au passage confirmèrent ses
craintes. Les ouvriers de Saint-Gervais et des gens des rues basses, excités
par des orateurs qui se réclamaient de l’association du Trois-Mars mais usaient
de la plus rude dialectique radicale, invitaient les Genevois à passer à l’action
violente pour faire aboutir, sur l’heure, des revendications que le Conseil
représentatif tardait à satisfaire. Il aperçut James Fazy au milieu d’un groupe
d’indécis, au pied de la montée de la Treille. C’était la première fois qu’il
approchait cet homme, chez qui les aristocrates genevois voyaient la
réincarnation de Robespierre et Fouquier-Tinville confondus.
    M. James Fazy, descendant de riches manufacturiers d’indienne,
eût aisément passé pour un simple commis aux écritures, sans l’assurance pleine
d’insolence qu’il affichait. Mains aux revers de sa redingote, cambré, torse
proéminent, il ne perdait pas un pouce de sa taille et parlait sans hausser le
ton mais avec une véhémence contenue. Parfois, il rejetait sur la tempe gauche
une mèche de cheveux bruns et lisses, dissidente d’une coiffure plate, étudiée
pour dissimuler une calvitie naissante. Axel remarqua, derrière les lunettes à
monture de fer, un regard dur sous d’épais sourcils en accent circonflexe. La
moustache, dense et tombante, atténuait un peu le volume d’un nez lourd de
potentat oriental.
    Le Vaudois rejoignit ces gens, moins déterminés que d’autres
à recourir à la violence, et entendit Fazy minimiser les risques pour les
décider à l’action. « Les deux tiers de la milice ne répondent pas et refusent
de s’armer. Que pourront faire cinq cents hommes opposés à sept ou huit mille
citoyens ! Le peuple est calme et ferme : c’est l’attitude de la
force ! » lança-t-il à l’adresse des miliciens qui, à quelques pas de
là, observaient l’évolution de la situation.
    Un officier qui venait de reconnaître Axel Métaz, rencontré
chez les Laviron deux jours plus tôt, dit :
    — Il se fait des illusions et raconte aux gens des
histoires. Le syndic de la Garde, Louis Turrettini, que conseille le colonel
Dufour, estimé de tous les Genevois, fera respecter l’ordre.
    Bientôt, des nouvelles filtrèrent de l’hôtel de ville.
    Devant le Conseil représentatif, en séance depuis dix heures,
le Premier syndic, Jean-Jacques Rigaud, rassuré par la dernière adresse portant
trois mille deux cent cinquante-quatre signatures de citoyens modérés, avait
exposé la situation. Les pétitionnaires, tout en maintenant l’exigence de réformes
démocratiques, affirmaient que celles-ci pouvaient être acquises « par le
concours régulier des pouvoirs constitutionnels ». La plupart des
conseillers semblaient admettre, enfin, la nécessité de réunir une Assemblée
constituante si l’on voulait éviter que le peuple ne s’affranchît lui-même et
par la violence d’une tutelle politique que les radicaux présentaient comme
insupportable.
    Les citoyens rassemblés autour de la maison commune et sur
la Treille ayant appris, avec satisfaction, l’heureuse évolution de la majorité
du Conseil, beaucoup s’apprêtaient à retourner à leurs occupations quand un
nouveau bruit, faisant état d’un ajournement probable des décisions, suscita un
regain de colère, habilement exploité par les amis de Fazy. « Vous voyez
bien qu’on vous lanterne ! Tous à l’hôtel de

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