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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’un à l’autre ; les
sœurs Baldini, de plus en plus ressemblantes, encadrant Ribeyre, raide, sec et
chauve ; les Laviron, couple archétype de la rue des Granges, Pierre-Antoine,
stable comme un menhir, avec sa coiffure de surnuméraire, une raie partageant
ses cheveux gris plaqués, Anaïs, réservée, mais s’efforçant à la complaisance
avec les journaliers, gens du peuple dont elle partageait, une fois par an, la
table et le menu ; Vuippens qui, en l’absence de Zélia – « en
voyage » avait-on dit – s’ennuyait assez pour faire la conversation à
la femme du pasteur, et tous les autres, qui tenaient, comme lui-même, Axel Métaz,
vigneron fortuné, entrepreneur vaudois, bourgeois de Vevey, un rôle assigné, dans
cette tragi-comédie de durée indéterminée qu’on nomme la vie.
    Axel eut soudain conscience qu’Alexandra, assise à l’autre
bout de la table d’honneur, le fixait, comme pour pénétrer ses pensées. Elle
lui fit une grimace enfantine. Il répondit par un sourire et s’absorba dans le
découpage, mission et privilège du maître de céans, de l’énorme tourte au
raisin qu’on venait de présenter aux convives. C’est alors qu’Élise, prévenue
par Pernette que Vincent « faisait le bougillon » et refusait de
dormir, demanda l’aide d’Alexandra pour qu’elle aille calmer le garçonnet. En
se dirigeant vers la maison, la jeune fille marqua un bref arrêt derrière la
chaise de son parrain.
    — Élise m’a dit de te rappeler, en passant, que le
moment est venu d’annoncer la nouvelle que tu sais, glissa-t-elle rapidement.
    Puis elle ajouta, plus gravement :
    — N’oublie pas que, dans un mois, j’aurai vingt ans. Manaïs
veut me faire une grande fête. Alors, tu seras là ?
    — J’y serai, Alexandra. C’est promis.
    Axel attendit que Lazlo, promu maître d’hôtel, passât près
de lui.
    — Le moment est venu, mon brave. Va chercher
Marie-Blanche et amène-la.
    Le Tsigane s’inclina et s’en fut. Il revint, un instant plus
tard, tirant par la main une servante rétive, dont le ventre trahissait une
proche maternité. Le maître de Rive-Reine fit tinter son verre pour obtenir le
silence et l’attention de ses invités.
    — Mes amis, j’ai trois bonnes nouvelles à vous annoncer,
dit-il en se levant. D’abord M. Lazlo Isnakis, notre majordome, ici
présent, vient d’obtenir sa naturalisation. Il est suisse. Désormais, ce n’est
plus un Jenisch, comme on dit chez nous, mais un citoyen vaudois, comme vous et
moi.
    Il y eut un moment de stupeur, puis les applaudissements, d’abord
clairsemés et hésitants, devinrent ovation. Axel fut rassuré : le plus
difficile était fait.
    — Les autres nouvelles ? cria quelqu’un.
    — Ensuite, M. Lazlo Isnakis et M me  Marie-Blanche
Métayer, cousine de Pernette, se marieront, jeudi prochain, à Vevey. Comme
Lazlo est catholique et Marie-Blanche protestante, ce qui ne les a pas empêchés
de se mettre d’accord, ainsi que vous le voyez, pour fonder une famille…
    Des rires et des vivats interrompirent un instant Axel, tandis
que Marie-Blanche, rouge de confusion, commettait le geste maladroit de relever
son tablier pour se voiler le visage, ce qui rendit sa grossesse encore plus
évidente. Les rires et les bravos redoublèrent et Axel dut retenir la jeune
femme par la main pour l’empêcher de fuir.
    — Je disais donc que leur union sera bénie à
Saint-Martin, par M. le Pasteur Albert Duloy et, aussi, à la chapelle
catholique de la rue d’Italie par M. le Curé François Sublet. Dans la
corbeille des mariés nous déposons un trousseau pour Marie-Blanche et, pour que
Lazlo se sente vraiment vaudois, dix toises de vigne, derrière Chenevières. Quant
à la troisième nouvelle, vous la connaissez déjà, c’est l’arrivée prochaine d’un
petit Vaudois ou d’une petite Vaudoise à Rive-Reine.
    — Ouf ! dit-il en s’asseyant, après un clin d’œil
complice au bon pasteur Duloy, qui avait empêché M me  Métaz de
Fontsalte de chasser Marie-Blanche et Lazlo de Rive-Reine, quand elle avait
appris que la servante attendait un enfant du Tsigane.
    Quand vint le moment de lancer le picoulet, Axel fit un
signe :
    Élise et les époux, respectant la tradition, entraînèrent la
farandole vite formée jusqu’à la place du Marché. Il remarqua qu’Alexandra, assise
près de Martin Chantenoz, ne quittait pas la table. Il comprit qu’elle avait
choisi de tenir compagnie au

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