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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’un autre âge, Zélia. Nous
sommes dans un pays démocratique, les citoyens sont libres, et il y a des lois
pour protéger les étrangers. Et puis, quand tu joues les gouvernantes de la rue
des Granges, tu n’as plus rien d’une bohémienne.
    — Je serai toujours une Tsigane… et je n’ai pas honte
de l’être. Ce sont les autres, qui me donnent de la honte, Axou, dit-elle, calmée.
    — Regarde Lazlo, il est adopté par tous, à Vevey. Il
est même en train de devenir plus vaudois qu’un Vaudois et je m’occupe de le
faire naturaliser. À Rive-Reine, on le considère comme de la famille. J’aimerais
bien qu’il épouse Marie-Blanche…
    Un éclat de rire de Zélia l’interrompit.
    — Ça, sûr qu’il va marier Marie-Blanche ! Faudra
bien ! Il lui a fait un bébé, Lazlo, à Marie-Blanche ! C’est le moyen
qu’ils ont trouvé pour décider le vieux paysan de la Gruyère à donner sa fille
à un Jenisch ! Dans quatre mois, pft ! il sera là, l’enfant de l’amour !
    La jubilation de Zélia s’effaça aussi soudainement qu’elle
était apparue. C’était la façon d’être de la Tsigane : tous les sentiments,
du plus profond désespoir à la folle gaieté, en l’espace d’une seconde.
    Axel, qui depuis longtemps était persuadé, comme Élise, que
la jeune bonne dormait plus souvent dans le lit de Lazlo que dans le sien, fut
tout de même stupéfait. Il devrait faire face à la réaction de sa femme ! Mais
la valse allait finir et il tenait à convaincre l’ancienne suivante d’Adriana
de se comporter raisonnablement.
    — Tu ne vas pas renoncer à l’homme que tu aimes, à une
profession utile et honorable, pour retourner à ta vie de hasards et de
turpitudes, non ? insista Axel, qui devinait chez la Tsigane une
mystérieuse réticence à s’engager formellement.
    Elle se taisait, dansant les yeux clos, comme si elle
voulait ne rien savoir de ce qu’il évoquait.
    — Bon sang, réponds-moi ? Renonce à ta vie errante…
ou disparais. Je ne veux pas que tu fasses souffrir Louis. Tu entends ? dit-il
en la secouant, au risque de se faire remarquer des autres danseurs.
    La valse s’achevait. Il ne lui restait qu’à reconduire Zélia
à la table des parents et amis, où Vuippens attendait en bavardant avec Martin
Chantenoz, qui ne dansait pas.
    La Tsigane prit le bras d’Axel pour traverser la salle et il
fit une dernière tentative :
    — Tu ne seras donc jamais sûre de toi et de tes
sentiments, espèce de sauvage ! Tu m’as dit tout à l’heure que tu étais
heureuse. Que faut-il de plus pour te convaincre que, maintenant, ta vie est
avec nous, Zélia ?
    — Il faut que certaines choses s’accomplissent, Axou, glissa-t-elle,
mystérieuse.
    Avant la fin du bal, Charlotte de Fontsalte voulut faire un
tour de valse avec son fils.
    — Dis-moi, mon garçon, que se passe-t-il entre Vuippens
et ta Tsigane ? Est-elle sa maîtresse ? On pourrait le penser à les
voir danser ensemble, demanda-t-elle.
    — Je souhaiterais qu’elle le fût, maman. Mais les
affaires de cœur des Tsiganes ne sont jamais aussi simples que ça. Vuippens est
discret là-dessus et Zélia vient d’un autre monde. Il faut attendre et voir
venir.
    — Attendre quoi ? s’étonna Charlotte. Qu’il soit
chauve et qu’elle se remette à voler des poules ! Je sais par expérience
que toute attente est du temps perdu qui ne se rattrape pas, mon garçon.
    Axel se mit à rire franchement. Sa mère, qui ne souhaitait
que voir heureux tous ceux qu’elle aimait, partageait encore les préjugés populaires
à l’égard des Tsiganes.
    — Tu dis « il faut attendre » ! Mais
attendre quoi ? dit-elle, revenant à la charge.
    — Attendre que certaines choses s’accomplissent, dit Axel
d’une voix sourde, avec un sourire sibyllin.
    — En voilà du mystère, pour la chose la plus simple du
monde. Je vais confesser Louis, dit-elle, péremptoire, comme l’orchestre se
taisait.
    — Je vous en supplie. N’en faites rien. Ces choses-là
le dépassent, nous dépassent, mère.
    Charlotte, soudain inquiète, sourcils froncés, fixa
alternativement l’œil clair et l’œil sombre de son fils, comme pour saisir une
vérité absente des mots.
    — À t’entendre, on dirait qu’il s’agit d’une affaire de
vie ou de mort, dit-elle gravement.
    — Peut-être est-ce le cas. Avec les Tsiganes, on ne
sait jamais, murmura Axel.
    Le concert helvétique de Lausanne avait été un

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