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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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meneurs découvraient avec amertume que le peuple
genevois, dans sa majorité, refusait l’aventure.
    Au matin du 14 février, de nombreux Genevois avaient
appris avec stupeur les événements de la nuit. Comme les barricades
subsistaient, le gouvernement avait fait occuper le quartier Saint-Gervais par
les miliciens et les volontaires des brigades, refusant de négocier avec les
radicaux tant que les barricades ne seraient pas levées. Les insurgés, plus
amers que contrits, ayant compris qu’ils n’avaient aucune chance de changer le
gouvernement par la force, avaient déposé les armes. Pour apaiser les esprits, le
Conseil d’État avait aussitôt fait savoir qu’il proposait une amnistie au Grand
Conseil. Celle-ci avait été votée et appliquée dès le lendemain. En renonçant
aux poursuites contre les meneurs, en démobilisant les milices, en refusant
toute intervention fédérale, le gouvernement cantonal avait agi avec sagesse. Le
Vorort fédéral, rendu méfiant, avait néanmoins placé Genève sous la
surveillance des cantons voisins jusqu’au 10 mars.
    Quand, le 19 mars, Axel et Élise arrivèrent à Genève, avec
parents et amis, pour fêter les vingt ans d’Alexandra, le calme régnait dans la
cité. L’alerte de février avait été chaude et Pierre-Antoine Laviron tira, pour
Axel, la leçon des sanglantes échauffourées :
    — Nous savons tous, maintenant, que les affrontements
de plus en plus durs entre radicaux et conservateurs peuvent, du jour au lendemain,
nous conduire à une guerre civile fratricide. Certes, le gouvernement a
triomphé, avec fermeté et intelligence, d’un embryon de révolution et il va poursuivre
son action réformatrice dans le calme. Les prochaines élections nous diront si
la majorité des Genevois reste fidèle à cette politique. Espérons que les Lettres
sur la démocratie en Suisse, que vient de publier Cherbuliez, donneront à réfléchir
à ceux qui prônent le radicalisme, et aussi aux libéraux modérés qui refusent
de voir Fazy tel qu’il est, un habile politicien, épris de pouvoir personnel. Lui
et ses amis veulent, avant tout, se débarrasser des familles de la haute ville,
qui ont fait de Genève ce qu’elle est. Croyez-moi, Axel, cet ambitieux reprendra,
dès que les circonstances s’y prêteront, et sans ménager les biens et les vies –
il l’a montré en envoyant à la mort, le 13 février, quelques braves
garçons de Saint-Gervais –, un combat qu’il dit profitable aux Genevois, peuple
sur lequel il voudrait un jour régner, tel un monarque !
    — Il faut reconnaître que votre gouvernement
conservateur refuse de tenir compte de l’existence d’une minorité, dont on
devrait, au moins, prendre les avis, au lieu de l’ignorer avec autant de
superbe. On ne peut, dans une ville comme Genève, méconnaître les aspirations d’une
partie active de la population, attachée aux idées républicaines. Peut-être
faut-il, parfois, une menace de révolution pour accélérer le changement ! dit
Axel avec un sourire.
    — Vous connaissez mes sentiments, qui ne sont pas
toujours partagés par mes voisins de la rue des Granges. Je suis pour détruire
ce qui est mauvais et pour conserver ce qui est bon. Non pas tout rejeter, comme
Fazy, ou tout garder, comme Cherbuliez. C’est une position difficile à tenir, dans
ma situation, vous le comprenez, Axel.
    — La position de l’honnête homme devient difficile
quand les antagonismes politiques débouchent sur la violence. Mais c’est tout à
votre honneur, Pierre-Antoine, vous qui êtes…
    — Au bout de la route, dites-le, mon ami ! Septante
ans dans deux jours, alors que s’ouvre une nouvelle ère pour ma banque ! Vous
allez voir la plus moderne des banques privées de Genève et, aussi, la première
qui verra siéger une femme parmi les commanditaires. Car, demain, tenez-vous
bien, Alexandra entre à la banque Laviron-Cottier, qui devient, du fait de la
commandite ajoutée, la banque Laviron Cottier Cornaz et C ie . Et, surtout,
qu’on ne mette plus de trait d’union, ai-je dit à mon imprimeur ! lança
Laviron, enthousiaste, avec un rire de carillon.
    Axel savait depuis longtemps que sa filleule s’intéressait
de près aux affaires financières mais il n’avait pas imaginé qu’elle pût, un
jour, devenir banquière, le mot n’existant pas plus que la chose à Genève. Le
premier moment de stupeur passé, il réagit :
    — Mais c’est impossible, Pierre-Antoine !

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