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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bien sûr. Axel
est de la famille… et, qui plus est, un de nos déposants, dit Pierre-Antoine, radieux.
    Personne n’osa s’opposer à la présence de M. Axel Métaz,
parrain de la nouvelle commanditaire. Cela valut à Axel la lecture fastidieuse
d’un acte comprenant dix-sept articles qui, comme tous ceux du même genre à
Genève, était placé sous le patronage, sinon sous la responsabilité, du Tout-Puisssant :
« Au nom de Dieu, Amen ! »
    Suivait un préambule, annonçant que Pierre-Antoine Laviron, négociant,
demoiselle Alexandra Laviron-Cornaz, fille adoptée du précédent, rentière, et
cinq autres messieurs, dont Axel ne retint rien, sinon qu’ils se nommaient tous
Cottier-Blachet ou Cottier-Vedry, avaient décidé de former « pour une
durée de cinq ans, une société en commandite pour exercer, sur la place de
Genève, le commerce de banque, sous la raison de Laviron Cottier Cornaz et C ie et sous la gestion de Pierre-Antoine Laviron et Edmond Cottier, qui auront seuls
la signature sociale, demoiselle Alexandra Laviron-Cornaz disposant d’une
procuration jusqu’à ce que le collège des associés lui reconnaisse la signature
sociale ».
    Il était révélé que le capital social serait de deux cent
mille livres, fournies, à raison de quatre-vingt mille livres, par
Pierre-Antoine, soixante-cinq mille livres, par Alexandra, quinze mille livres,
par Edmond Cottier, les quatre autres associés apportant, chacun, dix mille
livres. L’acte précisait que les associés, n’ayant aucune responsabilité de
gestion, ne pourraient « en aucun cas être assujettis à aucune perte
excédant leur compte de fonds de commandite ». Il était également prescrit :
« Dans aucun cas l’un des gérants ne fera une confiance qui excéderait
cinquante mille livres sans obtenir l’assentiment des associés », et
encore : « Les gérants s’interdisent toute spéculation pour leur
propre compte, sous peine que la perte en soit appliquée au débit du compte du
contrevenant et le bénéfice au crédit des profits et pertes de la société. »
    À l’issue de la signature, Pierre-Antoine offrit une coupe
de champagne à ses associés et au magistrat du tribunal de commerce, dont la
présence avait été requise. Alexandra, rayonnante, tenait le rôle d’hôtesse. Pour
Axel Métaz, les cousins Cottier semblaient tous sortis du même moule. À part
quelque légères différences de taille, d’embonpoint, de calvitie, ils portaient
redingote grise, pantalon noir étroit, gilet de piqué blanc strictement boutonné.
Du gousset de l’un pendait une châtelaine à glands de soie, les autres restant
fidèles à la chaîne d’or, feston des bedaines financières. Depuis des
générations, ces hommes entretenaient un maintien de puritain courtois, une
componction distinguée, une bonhomie distante avec les personnes étrangères à
leur milieu. Aux vanités pétillantes des nouveaux riches, ils opposaient une
sorte d’humilité condescendante, sachant qu’ils disposaient du pouvoir de
conférer aux affairistes chanceux honorabilité et prestige, s’ils décidaient d’accueillir
leurs capitaux dans une banque privée ancienne et de haute réputation. À les
voir ainsi, on ne pouvait douter de leur rectitude morale et de leur conscience
professionnelle. Considérés comme époux et pères irréprochables, ils se
gardaient de tout étalage intempestif de leur fortune et siégeaient dans les
conseils d’administration de la caisse d’Épargne, des compagnies des bateaux à
vapeur ou des sociétés de bienfaisance. Il leur arrivait même de financer de
leurs propres deniers la construction d’oratoires ou d’infirmeries, car, depuis
que Jean-Gabriel Eynard avait donné l’exemple, on se devait, dans la banque, de
sacrifier à la philanthropie. Les plus ouverts acceptaient que leur fils, avant
qu’il ne leur succède au conseil des associés, fît des études originales, pratiquant,
un temps, des activités plus coûteuses que lucratives, donc honorables, comme l’archéologie,
la géologie, l’alpinisme, disciplines dans lesquelles Saussure, l’un des leurs,
s’était illustré.
    Edmond Cottier, cousin germain de M me  Laviron
et cogérant de la banque, un géant chauve et rubicond, portant lunettes de fer,
se dit enchanté de voir, avec Alexandra, le charme de la jeunesse entrer au
conseil. Les autres s’abstinrent de tout commentaire et se mirent à bavarder
entre eux, n’ayant,

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