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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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la
fierté de rappeler que les Laviron et les Cottier figuraient parmi les maisons
de banque qui avaient survécu aux guerres, aux révolutions, aux crises.
    Pierre-Antoine aimait à citer – et donner en exemple de
sérieux et de maîtrise professionnelle – la banque Lombard Odier et C ie ,
fondée en 1798 par deux cousins, Henri Hentsch, commerçant à Nyon, et
Jean-Gédéon Lombard [166] de Genève. Ce dernier, maintenant âgé de quatre-vingts ans, membre éminent du
consistoire, dont les avis étaient toujours très écoutés, avait été mêlé à la
vie politique genevoise dans les temps difficiles de la Révolution française. Ses
contemporains reconnaissaient qu’à cette époque, comme membre du Conseil administratif
puis de la Chambre des comptes et ensuite de la Société économique, il avait
rendu de signalés services à Genève « en sauvant les traditions, les institutions
sociales et le culte pendant l’occupation française [167]  ». Au fil
des années, et après plusieurs changements d’associés, la banque était connue, depuis
1830, sous l’appellation Lombard Odier et C ie [168] .
    Laviron, un peu dérouté par le silence plein de réticences
de son ami, développa son discours.
    — Voyez-vous, Axel, toute banque privée digne de ce nom,
dont les associés sont conscients de leurs responsabilités, doit être prête à
réagir, d’un jour à l’autre, parfois dans l’heure, aux événements susceptibles
d’avoir des conséquences financières de nature à peser sur les placements qu’elle
a effectués pour le compte de ses déposants. Or, Alexandra a plus d’instruction
et de subtilité que mes cinq associés réunis. Elle possède non seulement quatre
langues, mais aussi des connaissances scientifiques, mathématiques et, j’ose
dire, politiques, lui permettant d’évaluer l’influence que pourront avoir les
conflits, les dernières inventions, les nouvelles machines sur telle ou telle
industrie. Elle sait très bien qu’elle devra, d’abord, se contenter d’apporter
des informations au conseil, comme le ferait une employée chargée de lire les
journaux étrangers, de dépouiller les dépêches de nos correspondants, de suivre
de près l’évolution des marchés boursiers et les fluctuations des changes. Quand
les autres auront constaté les avantages que la banque tire d’une telle
collaboration, quand, grâce aux rapports de ma fille adoptive, nous aurons fait
les meilleurs choix et réussi quelques bons placements, alors, les
commanditaires, convaincus de son efficacité, lui demanderont, eux-mêmes, son
avis sur les opérations envisageables. Elle deviendra, dès lors, une associée
précieuse et à part entière. Ce n’est qu’une question de patience et Alexandra
est assez fine mouche pour manœuvrer avec diplomatie. Elle ne donnera pas d’avis
péremptoires mais procédera, comme elle sait si bien faire, par suggestions
voilées, par insinuations bien étayées.
    — J’admets les compétences que vous lui reconnaissez
mais, que voulez-vous, je ne vois pas Alexandra dans la banque ! Je suis
surpris qu’elle trouve à ces jongleries financières et au cours des changes un
intérêt ou un amusement. C’est une pianiste remarquable, elle est riche, pourquoi
s’engage-t-elle dans un pareil métier ? N’est-ce pas uniquement par
affection pour vous et Manaïs ?
    — Détrompez-vous, Axel. Votre filleule a deux passions :
la musique et les mathématiques. Elle vous dira que notes et chiffres vont de
pair. Ses deux modèles sont une certaine Sophie Germain, qui fut, paraît-il, la
première mathématicienne française, et M. Frantz Liszt. Elle est faite
ainsi. Comme moi, vous ne souhaitez, j’imagine, que la voir heureuse, n’est-ce
pas ? Alors, laissons-la suivre la voie qu’elle a, elle-même, choisie, conclut
le banquier.
    Comme si l’entrée en scène de l’intéressée avait été d’avance
réglée, Alexandra, avec la vivacité qu’elle mettait dans tous ses mouvements, franchit
à cet instant la porte du salon et se jeta au cou de son parrain.
    — Alors, tu sais ? J’entre demain à la banque. Je
viens chercher Péa – c’est ainsi qu’elle nommait son père adoptif – parce
que les associés sont arrivés et que nous devons signer l’acte de fondation de
la nouvelle banque. Viens avec nous. Il peut, n’est-ce pas ? demanda la
jeune fille, s’adressant à Pierre-Antoine.
    — Si aucun des commanditaires ne s’y oppose,

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