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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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semble-t-il, rien à dire à leur nouvelle associée ! Lors
de la lecture de l’acte, un seul avait voulu savoir si la loi autoriserait une
femme à détenir la signature sociale d’une banque. Le juge au tribunal de
commerce avait répondu que, la loi étant muette sur ce point, on devait
considérer que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé et qu’en conséquence
rien ne s’opposait au rôle qui pourrait être, un jour, dévolu à M lle  Alexandra
Laviron-Cornaz.
    — Ils vont me guetter dès le premier chapitre – comme
tu sais, c’est ainsi qu’on nomme ici la réunion quotidienne et matinale des
sept associés – mais je saurai les manœuvrer, glissa-t-elle à son parrain,
l’œil mutin.
    Le même jour, dans l’après-midi, le Tout-Genève de la
finance se rendit à l’invitation de Pierre-Antoine Laviron pour inaugurer, rue
de la Corraterie, le nouvel immeuble qui abritait, derrière la façade sévère d’un
hôtel XVIII e habilement
restauré, les nouveaux locaux de sa banque. Deux conseillers d’État, plusieurs
députés au Grand Conseil, des juristes, des publicistes, beaucoup de femmes
élégantes se mêlèrent aux banquiers, amis et concurrents de Pierre-Antoine. On
reconnut même trois élus radicaux, membres du Conseil représentatif de la ville
de Genève.
    — Ne manque que M. Fazy pour que la fête soit
complète ! dit Ribeyre de Béran qui, avec sa femme et les Fontsalte, était
arrivé en fin de matinée.
    Pierre-Antoine en profita dans son discours d’accueil pour
annoncer que sa fille adoptive entrait, comme nouvelle commanditaire, dans sa
banque, ce qui, estima-t-il, devait constituer une petit révolution, les femmes
n’ayant pas été admises, jusque-là, dans les conseils de banque.
    Il fut contredit mezza voce par un jeune homme à barbiche noire,
banquier à Nyon, qui glissa à Axel et Alexandra que, vingt ans plus tôt, sa
mère était entrée au conseil de la banque – qu’il présidait maintenant –
pour assurer la présence du nom, après le décès de son mari.
    — J’avais deux ans, alors, et ma mère m’a tenu la place
au chaud, dit-il en offrant son bras à Alexandra, car la visite des lieux commençait.
    Axel laissa passer la foule des invités et attendit un
instant, dans le hall, avant d’emprunter à son tour le bel escalier de chêne
ciré qui conduisait aux étages. Dans cette antichambre de la banque dallée de
marbre, le visiteur ne voyait qu’un seul comptoir d’acajou, derrière lequel
officiait, portant sur un visage glabre les stigmates de son écrasante responsabilité,
M. Louis, le caissier. Cet homme, rigide et vertueux, avait été séduit par
le calvinisme strict et la théorie de la prédestination, prêchée autrefois à
Genève par le pasteur anglais John Darby. En attendant le retour du Christ, il militait
chez les darbystes genevois. Lui faisant vis-à-vis, de l’autre côté du hall, se
trouvait, derrière un pupitre, l’huissier chargé de l’accueil et de la
surveillance. Nul ne pouvait accéder aux étages sans l’autorisation de cet
homme, un robuste gaillard, qui avait servi dans le régiment suisse de Hollande.
    De part et d’autre de l’escalier, au pied duquel montaient
la garde deux nègres de bronze enturbannés, chacun élevant au-dessus de sa tête
un flambeau orné de volubilis dorés, commençaient deux couloirs parallèles
chichement éclairés. Ces coursives conduisaient à des parloirs, où les fondés
de pouvoir recevaient ceux qui se proposaient de confier la gestion de leur
patrimoine à la banque. Suivant les informations recueillies, puis vérifiées, la
valeur et la réalité des patronages avancés, le candidat serait présenté à
Pierre-Antoine Laviron ou à Edmond Cottier ou, encore, très courtoisement
éconduit. L’un de ces parloirs dépouillés comme des confessionnaux disposait d’une
sortie ménagée dans le corridor d’un immeuble commercial de la rue de la Cité. Ainsi,
le déposant soucieux de discrétion pouvait quitter la banque ou y entrer, s’il
était attendu, sans passer par l’entrée principale de la Corraterie. Celle-ci, au
faîte d’un perron à cinq marches, était close par une immense porte à deux
battants de chêne laqués vert bouteille et agrémentés de poignées et heurtoirs
en bronze doré représentant – c’était un choix d’Alexandra – des
cygnes du Léman.
    Sous les lumières du hall, les boiseries prenaient un ton
chaud et les marbres

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