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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ses
genoux, Alexandra, dit-il, s’efforçant au ton sévère.
    — Ah ! ne gâche pas mon plaisir. Je suis heureuse,
je veux l’être, je le serai ! Alors, parrain, embrasse-moi, sinon je reste
là jusqu’à ce qu’on nous cherche… et qu’on nous trouve !
    Axel se leva sans effort mais la jeune fille, suspendue à
son cou, jambes repliées, ne mit pas le pied au sol, si bien qu’il se vit
debout, avec Alexandra dans les bras.
    — Voyons, sois raisonnable, ne m’oblige pas à te
laisser choir comme un paquet. Tu ne fais pas une banquière sérieuse ! dit-il,
à bout d’arguments.
    — Embrasse-moi et nous continuerons la visite, dit-elle,
soudain étrangement sérieuse.
    Résigné, il lui posa un baiser rapide sur la joue.
    — Ah ! non, c’est pas de jeu. Pas comme ça. C’est
un baiser de nourrice, ça. Je veux un vrai baiser… comme celui que je t’ai
donné aux Pâquis, tu t’en souviens ?
    S’il s’en souvenait !
    Il se tut et Alexandra interpréta parfaitement son silence. Elle
se laissa glisser à terre, planta résolument ses yeux dans le regard vairon de
son parrain et lui tendit ses lèvres.
    — Un seul baiser mais un vrai, murmura-t-elle en
fermant les paupières.
    Il fit ce qu’il s’était promis de ne pas faire. Il enlaça sa
filleule et le baiser qu’ils échangèrent les laissa l’un et l’autre un instant
désemparés, comme s’ils prenaient soudain conscience de la gravité du geste et
du moment. Alexandra émergea la première.
    — Je sais maintenant que tu peux m’aimer comme une
femme. Mon bonheur est complet. Je suis heureuse, répéta-t-elle en lui caressant
la joue du bout des doigts.
    — Puisque tu as obtenu ce que tu voulais, diablesse, et
qui n’engage à rien, fais-moi visiter la maison, dit Axel, retrouvant assez de
maîtrise pour banaliser cet instant de faiblesse.
    Elle lui tendit une main qu’il prit et ils quittèrent la
pièce. Les invités, répandus dans l’immeuble, commençaient à descendre l’escalier
pour regagner le hall où avait été dressé un buffet.
    — Viens voir, la seule pièce intéressante est le salon.
Quand les associés, nos sieurs, comme on dit ici, en parlent, on a le sentiment
qu’ils écrivent le mot avec un grand S, ironisa la jeune fille.
    Dans cette pièce, à peine plus vaste qu’un bureau, dont une
immense table ovale et sept sièges à dossier de cuir occupaient la plus grande
partie, se tenait chaque matin, à huit heures et demie, la réunion des associés
commanditaires. Les initiés disaient le chapitre, à cause de l’atmosphère quasi
religieuse qui présidait à ces entretiens entre associés, derrière une porte
capitonnée de cuir et hors de toute présence étrangère. Malgré ces protections,
les commanditaires s’entretenaient le plus souvent à voix basse. Après examen
attentif des informations livrées par les fondés de pouvoir et de celles, plus
confidentielles encore, recueillies par l’un ou l’autre des sieurs, au cours d’un
dîner dans une ambassade étrangère, d’une réception mondaine, d’un entretien
avec un membre du Grand Conseil au Club de la Terrasse, d’un propos saisi au
vol entre deux agents de change, on décidait, non sans discussions, remarques
des uns, réticences des autres, des placements les plus sûrs à effectuer le
jour même, des transferts à opérer, des liquidations à prévoir, des déports à
renouveler, des reports à envisager, tout cela en évitant, par des manœuvres
trop voyantes ou des arbitrages insolites, d’attirer l’attention de la
concurrence. La clientèle internationale entendait, en effet, que les
opérations conduites à son profit soient, pour toutes sortes de raisons
avouables ou non, entourées de discrétion. On murmurait en ville que
Laviron-Cottier et C ie effectuait des placements pour le compte du
Vatican, grand propriétaire immobilier romain, aussi bien que pour celui du
Shah de Perse, qui se préparait à céder à la Russie deux ports sur la Caspienne,
mais personne n’aurait pu confirmer ou infirmer ces rumeurs. Les chauffeurs, brigands
de triste mémoire, eussent-ils brûlé les pieds de Pierre-Antoine qu’ils n’en
auraient pas su davantage !
    — Je ne t’imagine pas prenant la parole dans ce cénacle.
Que vas-tu leur dire ? demanda Axel.
    — Mon rôle, dans un premier temps, sera simplement d’écouter,
avec attention et respect, ces messieurs. Tout ce que me demande Péa, c’est de
compléter les

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