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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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duel à l’échalas, derrière Saint-Martin, quand il ne réagissait pas, sur l’instant,
à coups de poing. Il ne traitait pas les filles moqueuses avec plus de clémence.
Il leur tirait les cheveux jusqu’à ce qu’elles demandent pardon en pleurant. Avec
les adultes qui, d’un ton patelin, s’inquiétaient de savoir « s’il voyait
clair quand même », ses réactions se bornaient à une incongruité du genre,
« j’y vois assez pour voir que vous avez le nez comme une pomme de terre »,
constatation souvent assortie d’une langue tirée. Depuis que la mère Chatard s’était
permis une remarque sur son « regard de chien de berger », lors d’une
rencontre chez l’épicière, Vincent décochait un pied de nez à la vieille
commère, chaque fois qu’il la croisait.
    Axel, qui comme son fils avait autrefois souffert des
réflexions des gens sur son regard vairon, se montrait plein d’indulgence quand
on lui rapportait les gestes violents ou les insolences de Vincent.
    Quant à Blaise, qui retrouvait avec plaisir et émotion, chez
ce petit-fils robuste et audacieux, la force vive et les intransigeances des
Fontsalte, il eût plutôt encouragé Vincent à châtier les outrecuidants qui
osaient une remarque sur son regard bicolore, atavisme dont il devait être fier.
Bertrand, le benjamin, caractère doux et facile, admirait son aîné, dont les
audaces le réjouissaient et l’effrayaient à la fois, car, caractère sensible et
réfléchi, il envisageait toujours les pires conséquences aux incartades de son
frère.
    Élise exigeait qu’on ne laissât jamais Vincent sans
surveillance, les jours de congé scolaire. Aussi était-elle rassurée quand Axel
emmenait son fils en promenade, en voiture ou en bateau. L’enfant, que son père
et le bacouni initiaient aux manœuvres, n’était jamais aussi heureux que les
matins où, sous forte brise, le bateau filait, voiles gonflées, vers Villeneuve,
au bout du lac. Devant le quai animé, d’où partaient les diligences pour l’Italie
et aussi la Dame-du-Lac, grande voiture qui assurait le transport des voyageurs
arrivés par les bateaux à vapeur vers Aigle, Bex et les fameux bains de Lavey, Axel
amarrait l’ Ugo. Le temps de déguster une glace à la vanille ou au cassis
à la maison de ville et de flâner devant les boutiques et l’on rembarquait. À moins
que, l’heure du repas étant venue, Axel n’en profitât pour commander une truite
ou une carpe, poissons qu’on ne trouvait nulle part ailleurs qu’à Villeneuve, cité
coquette, dont le décor majestueux, à l’entrée de la gorge du Rhône, avec en
toile de fond les sommets du Valais, inspirait quantité de peintres.
    Il arrivait aussi qu’on allât goûter, au milieu des
touristes étrangers, dans le grand salon de l’hôtel Byron, où Vincent découvrit
que le rocking-chair était une sorte de balançoire. Plusieurs fois, les
navigateurs jetèrent l’ancre devant le château de Chillon, forteresse pleine de
mystères que l’enfant, infatigable questionneur, aimait à parcourir en serrant
fort la main de son père, tandis que le guide racontait, avec force détails
effrayants, l’histoire de Bonivard l’enchaîné et le martyre des vingt-sept
sorciers et sorcières exécutés, au pied du donjon, entre le 9 juin et le
26 septembre 1613.
    C’est le mariage de Lazlo et la maternité de Marie-Blanche
qui avaient rapproché Axel de son fils. En effet, depuis qu’il était lui-même
père d’un gros garçon, teint mat et duvet noir, le Tsigane, compagnon favori de
jeu et de promenade de Vincent, consacrait plus souvent ses heures de liberté à
son foyer qu’au fils aîné de son maître. Axel ayant offert au couple deux
pièces et un appentis dans les communs, Lazlo s’employait à rendre les lieux
plus confortables pour sa petite famille. Tandis que Marie-Blanche
confectionnait rideaux ou couvre-pieds, son mari rabotait, clouait, peignait en
chantant, avec l’ardeur qu’il mettait en toute chose. Presque chaque soir, il
montait jusqu’au carré de vigne offert par M. Métaz. Au ressat des
vendanges, le pasteur Duloy avait perçu l’offrande de cette terre comme symbole
d’un enracinement du nomade. C’est dans cet esprit qu’Axel avait fait ce don et
c’est ainsi que le Tsigane l’avait reçu. Visiter sa petite vigne, le raclet en
main, enlever les mauvaises herbes, redresser les échalas, solliciter au moment
de la taille des conseils, que les vignerons voisins

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