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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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longtemps les images des événements
qui s’y étaient déroulés.
    Par une belle journée de fin septembre 1844, il mit à
la voile pour se rendre à Genève, où il aurait à étudier, avec un architecte, une
importante fourniture de pierre de Meillerie et de bois de charpente. L’ Ugo amarré au quai de l’île, près du bateau des lavandières, rieuses et pépiantes, qui
le saluèrent de quolibets inaudibles, il s’en fut déposer son bagage rue des
Granges, chez les Laviron, puis il rejoignit Pierre-Antoine à la Corraterie. Avant
de fournir les matériaux demandés par les bâtisseurs d’un nouvel ensemble
immobilier, derrière les Pâquis, il tenait, en Vaudois prudent, sinon méfiant, à
s’assurer de la solvabilité du client. Le banquier le rassura et, comme Axel s’informait
du sort de sa filleule, M. Laviron lui confia qu’Alexandra réussissait
fort bien dans son rôle de banquière. Elle apportait chaque matin au conseil sa
fraîcheur et sa grâce primesautière, auxquelles ses associés devenaient d’autant
plus sensibles que les renseignements livrés par la jeune fille étaient précis
et utiles.
    — Je ne sais comment elle s’arrange mais elle obtient
des informations que nous serions bien incapables de nous procurer aussi vite. Ainsi,
ce rapport sur la Situation financière de l’État de l’Ohio, rédigé par
Alexis Lombard [173] qui explique pourquoi les fonds de l’État de l’Ohio ont éprouvé une baisse
incompréhensible, étant donné ce que l’on connaît des richesses de ce
territoire. On sait maintenant que les marchés de New York et d’ailleurs
avaient été alarmés par une décision d’emprunt de cinq cent mille dollars, prise
assez inconsidérément, en 1842, par la législature de l’Ohio. Tous les
financiers craignaient que l’État de l’Ohio, ne pouvant plus honorer ses
paiements, ne fît banqueroute, comme l’État du Mississippi, qui avait biffé une
partie de sa dette, causant un grave préjudice aux prêteurs. Grâce à Alexandra,
qui a eu accès au rapport de M. Lombard avant tout le monde, nous avons pu
rassurer nos déposants. Certains d’entre eux avaient lu, dans les journaux
étrangers, les dangers que fait courir aux prêteurs la dépréciation du papier
monnaie américain et redoutaient que nos placements n’en pâtissent. Or, les
experts les plus sérieux estiment, comme mon estimé confrère M. Lombard, que
la crise du papier monnaie américain est terminée et qu’il est permis, comme il
l’a écrit, « de regarder l’avenir avec plus de confiance et de croire à un
retour décidé vers de meilleures dispositions envers les créanciers des États
américains ».
    Axel se déclara enchanté d’apprendre qu’Alexandra se tirait
aussi bien de ses missions.
    — Bien sûr, on dit chez les agents de change que l’entrée
d’une femme dans la banque est contre nature. Mais à cela je réplique ce que m’a
soufflé Alexandra. Le gouvernement français vient d’autoriser les femmes à
exercer la médecine et la dentisterie, ce qui permet de penser qu’elles peuvent
aussi bien s’occuper de finance, domaine qui ne met pas la vie des patients en
cause ! dit Pierre-Antoine, ponctuant sa phrase d’un rire sonore.
    — Encore que de mauvais placements puissent conduire un
banquier au suicide ! observa Axel.
    Le soir, au dîner, on cessa de parler banque et finance pour
s’intéresser au sort de l’abbé Marilley, successeur désigné du curé Vuarin, nommé
par l’évêque, M gr  Yenni, mais récusé par le Conseil d’État de
Genève. Le refus de ratifier la nomination du prêtre suscitait, chez les
catholiques genevois, déception et colère. L’évêque, fort mécontent, avait fait
savoir au gouvernement qu’il ne se considérait plus lié par la convention de
1820, qui soumettait la nomination des curés à l’approbation du Conseil d’État,
et que l’abbé Marilley était bel et bien curé de Genève, que cela plût ou non
au gouvernement qui, d’ailleurs, ne trouvait rien à lui reprocher. Les Laviron
avaient beaucoup d’affection et d’estime pour la mère et le père d’Axel, catholiques
pratiquants, aussi se gardèrent-ils de critiquer M gr  Yenni, à
qui la Constitution reconnaissait un droit qu’elle ne lui permettait pas d’exercer !
Comme on ne pouvait pas traduire l’abbé Marilley devant un tribunal, le
gouvernement avait, d’abord, suspendu le paiement de la mense épiscopale et le
traitement

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