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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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démocratique ? demanda Blaise.
    — Il en est toujours ainsi, chez nous, Blaise, par
haine de l’aristocratie ou de ce qu’il prend pour telle, le peuple suit, sans
réfléchir, ceux qui s’arrogent le droit de le conduire, sans se poser de
questions quant à leur sincérité et leur compétence, expliqua Vuippens.
    Axel, qui s’était avancé avec la colonne des émeutiers en
marche vers le château, reconnut plusieurs radicaux veveysans. Cent trente citoyens
de Vevey, lui dit-on, venaient de se joindre aux Lausannois. Il constata avec
déplaisir la présence, au côté des révoltés, d’un groupe de communistes
allemands qui, bien qu’étrangers, ne paraissaient pas les moins vindicatifs. Cette
fois-ci, les chefs du parti radical n’avaient rien laissé au hasard. Les feux, allumés
la veille sur le Signal, étaient attendus par leurs troupes. Les jésuites, à
leur corps défendant, avaient frotté l’allumette incendiaire. Après s’être
assuré que la cour du château ne serait pas investie, Axel revint vers son père
et Louis.
    — À mon avis, tout est consommé. Jules Eytel voulait
envahir le château et jeter dehors les conseillers d’État mais le malin Druey s’est
interposé en annonçant la démission du gouvernement et en demandant aux gens de
se réunir à Montbenon, rapporta-t-il.
    Tous trois suivirent la foule, qui semblait douter d’une
victoire si vite acquise. Mais Druey, monté sur une échelle, la confirma. Tous
ses collègues, membres du Conseil d’État, étaient démissionnaires. Il proposa
aussitôt la composition d’un gouvernement provisoire, dont il serait le
président. Ovationné, donc élu, M. Druey venait de réussir, enfin, la
révolution qu’il espérait depuis quinze ans, sans qu’une goutte de sang vaudois
eût été versée. Cette victoire, dite du peuple, fut saluée par cent un coups de
canon qui, pour certains, en faisaient présager d’autres, moins innocents.
    Quand Blaise, Axel et Vuippens rapportèrent les événements à
Charlotte qui, en compagnie de Flora et de Tignasse, attendait anxieusement à
Beauregard, M me  de Fontsalte eut un mot de parfaite aristocrate :
    — En 1831, le canton avait, paraît-il, été régénéré, aujourd’hui,
il est dégénéré !
    On lui fit crédit de cet à-peu-près drolatique, au seuil de
l’ère radicale.
    Celle-ci avait commencé le soir même, comme il fallait s’y
attendre, par une « proclamation au peuple vaudois [181]  » du
gouvernement provisoire, hâtivement fabriqué à Montbenon.
    « Le Grand Conseil n’ayant répondu que d’une manière
bien insuffisante au vœu des trente-deux mille pétitionnaires, qui demandent l’expulsion
des jésuites de la Suisse entière, la généralité des citoyens s’en est
profondément émue ; les masses populaires sont accourues au chef-lieu, où
elles ont donné essor au plus vif mécontentement ; celles des milices
arrivées à Lausanne, sur l’appel du gouvernement, n’ont pas hésité à faire
cause commune avec leurs concitoyens. Le Conseil d’État, éclairé sur les
véritables dispositions du peuple vaudois, s’est empressé d’abdiquer en masse, après
avoir convoqué le Grand Conseil pour demain, à onze heures du matin. »
    Cette manière de présenter les choses n’était ni tout à fait
exacte ni tout à fait mensongère, ce qui fit dire à Blaise de Fontsalte que M. Druey
avait appris, de ces mêmes jésuites qu’il condamnait, l’art subtil de la
restriction mentale. Dire la vérité, certes, mais seulement une partie de la
vérité !
    La proclamation confirmait : « Le nombre immense
des citoyens présents à Lausanne s’est réuni en assemblée populaire générale
sur la place de Montbenon. Là, cette assemblée a immédiatement nommé un
gouvernement provisoire. » Pour faire accepter par ceux qui n’appartenaient
pas au « nombre immense de citoyens présents à Lausanne » ce bel
exemple de génération spontanée d’un gouvernement dont les membres étaient, sans
doute, depuis longtemps désignés par Henri Druey, le texte radical concluait, au
nom des nouveaux conseillers d’État : « Exécuteurs d’une volonté supérieure,
nous nous confions sans réserve à votre patriotisme. »
    Après la dissolution du Grand Conseil et la convocation des
assemblées électorales, les radicaux confirmèrent leur intention de « mettre
fin aux lenteurs qui, dans les communes populeuses, faussaient l’expression

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