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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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terrain, beaucoup de blessés
et mille huit cents prisonniers. Les radicaux avaient chèrement payé leur mépris
du Pacte fédéral.
    Cette action inqualifiable, plus qu’aucune identité de
religion et d’opinion politique, souda les sept cantons catholiques. Le bruit
courut bientôt que Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Zoug, Fribourg et le Valais
avaient conclu, deux ans plus tôt, lors d’une assemblée secrète tenue aux bains
de Rothen, près de Lucerne, un traité défensif et d’assistance mutuelle. On
ajoutait, sans en avoir la preuve, que ces gouvernements envisageaient, aussi, de
se séparer d’une Confédération qui reniait le plus sacré de ses principes fondateurs.
Que la souveraineté d’un seul des cantons catholiques fût menacée et la
sécession des sept deviendrait effective.
    Pudiquement nommée alliance séparée, ou Sonderbund, une
telle initiative était de nature à faire éclater la Confédération. Si cela devenait,
un jour, calamiteuse réalité, les vénérés signataires du Pacte du Grütli, en
1291, jailliraient de leur tombe pour maudire et châtier les saboteurs d’une
entité patriotique unique et exemplaire.

6
    Le Léman a parfois des sautes d’humeur meurtrières. Il
arrive qu’au printemps, sous un ciel serein, la vaudaire jaillisse comme une
furie de la gorge du Rhône et jette de courtes, mais violentes, bouffées coléreuses
sur le lac. Les bacounis redoutent ces coups de vent, que rien n’annonce mais
qui sont capables de déchirer une voile, de briser une vergue, d’abattre un mât,
parfois de renverser un bateau pris par le travers.
    C’est ce qui se produisit le 22 avril 1845, entre six
et sept heures du soir. Une grande barque, partie du port d’Ouchy vers la
Savoie, avec trente passagers et une demi-douzaine de jeunes chevaux, qu’un
marchand savoyard venait d’acheter au pays de Vaud, fut soudain brutalement
giflée par le vent. Effrayés par le balancement du bateau et les claquements
des voiles, les chevaux se précipitèrent sur le même bord de la barque, qui
chavira, précipitant animaux et passagers dans le lac. Axel Métaz revenait, au
même moment, de Meillerie, avec un chargement de pierre destiné à Vevey. Il
ordonna au patron de sa barque d’abattre les voiles latines et de mettre le
bateau face au vent, le temps que passe la bourrasque. Tandis que les bacounis,
fort inquiets pour la lourde cargaison de pierre, manœuvraient avec promptitude,
tous virent, au loin, une barque se coucher sur le lac et montrer sa quille. Le
vent étant tombé aussi soudainement qu’il s’était levé, Axel fit rétablir la voilure
pour porter secours aux naufragés. Des pêcheurs étaient déjà sur les lieux. Ils
avaient recueilli plusieurs passagers, vu les chevaux se débattre, nager vers
une berge trop éloignée, lutter contre la fatigue, puis couler. En interrogeant
les rescapés, Axel eut bientôt la certitude que douze ou quinze personnes
manquaient à l’appel, dont le marchand de chevaux, noyé avec toutes ses bêtes.
    — Il avait plus de cinq mille francs dans son
portefeuille ! dit un aide du maquignon, avec un rien de concupiscence
malsaine dans le regard.
    Penché sur le lac redevenu calme, l’homme fruste scrutait l’eau
glauque, qui venait d’engloutir, avec la barque d’Ouchy, les Savoyards et les
chevaux, le magot du marchand.
    Indigné, un carrier le prit aux épaules et fit mine de le
pousser dans le Léman.
    — Si tu veux aller par le fond chercher les sous de ton
patron, je vas t’aider !
    L’imbécile évita le plongeon grâce à l’intervention d’Axel, qui
retint le geste de l’ouvrier.
    — Laisse cet homme. Son âme infecterait le Léman, dit
Métaz, méprisant.
    Le soir même, de retour à Rive-Reine, Axel raconta le naufrage
de la barque d’Ouchy à ses fils, afin de leur enseigner la prudence en toute
circonstance, même par grand beau temps, sur un lac dont les caprices étaient, depuis
toujours, imprévisibles.
    Comme il s’étonnait de n’avoir pas vu Louis Vuippens depuis
plusieurs jours, Métaz fit seller son cheval et, après le repas du soir, prit
la route de La Tour-de-Peilz. Chemin faisant, sur la berge, il admira le
coucher de soleil du côté de Genève et se mit à penser au retour, sans doute
prochain, d’Alexandra. Fidèle à sa promesse, la jeune fille avait écrit chaque
semaine. Dans sa dernière lettre, comme dans les précédentes, elle disait sa
confiance dans le développement industriel

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