Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
qu’il serait désormais imprudent
de nous revoir en ce lieu, peut-être même de nous revoir. Adieu ou au revoir. À
votre choix. M. »
    Axel choisit une pipe déjà bourrée, disposa un lit de
branchettes dans la cheminée, y coucha une bûche et, de la même allumette, enflamma
le bois et le tabac.
    Il s’interdit toute déception. Après tout, Marthe Bovey se
comportait exactement comme le prévoyait leur contrat et comme il l’avait
toujours voulu. Aucune trace de sentiment dans ce message laconique. Une sorte
d’indifférence polie. C’était à lui de décider si l’on continuait cette bizarre
liaison ou si on l’interrompait sans plus d’explication ni manière. Cet « Adieu
ou au revoir, à votre choix », donnait à entendre que Marthe n’avait
aucune préférence, qu’elle acceptait avec une parfaite équanimité la décision
que prendrait son amant.
    Et cependant, il eût aimé qu’elle fût là ce soir, belle, sereine,
à la fois attentive et réservée, comme elle savait l’être, recevant ses
confidences sans jamais les solliciter, apaisante et naturelle avec cet air de
passante autonome et désinvolte qui accorde sans donner. Marthe jouait si bien
ce rôle, souhaité par Axel, que l’amant égoïste se trouvait maintenant frustré
de ce qu’il avait rejeté. Charlotte avait dit à son fils « Ne fais pas
souffrir Marthe », mais c’est lui qui, soudain, souffrait de n’être pas
aimé comme il avait interdit qu’on l’aimât.
    En un instant, sa décision fut prise. Il dispersa les
braises, les noya d’un cruchon d’eau et quitta le moulin. La nuit d’avril lui
parut fraîche et la brise des collines fleurie, légère et parfumée. Il alluma
les lanternes de son cabriolet et grimpa au trot jusqu’à la Riponne. Sonner à
cette heure à la porte principale de M me  Bovey eût attiré l’attention
de toute la domesticité. Il contourna la maison et l’approcha dans l’ombre, côté
jardin. Derrière les portes-fenêtres du rez-de-chaussée brillaient des lumières.
M. Métaz, tel un Roméo audacieux, franchit la haie de troènes qui fermait
le jardin, se glissa, évitant de faire crisser le gravier, jusqu’à la terrasse
et vint jeter un regard dans le salon. La lumière réduite aux seuls candélabres
eût été pauvre mais un grand feu brûlait dans une cheminée de marbre blanc, à laquelle
faisaient face deux fauteuils, dont les hauts dossiers interdisaient de voir s’ils
étaient occupés.
    « Je me conduis comme un voleur », se dit Axel, déjà
prêt à la retraite, quand le hasard le favorisa. Une domestique entra dans le
salon portant un plateau, qu’elle déposa sur un guéridon près d’un fauteuil. La
femme s’attarda, bavardant avec la personne assise, puis se retira. Un instant
plus tard, l’occupant du fauteuil fit un mouvement pour saisir une tasse et
Axel reconnut la main et le bras de Marthe.
    « Elle est certainement seule », se dit-il et il s’enhardit
à frapper le carreau de sa chevalière. Marthe se pencha derrière le dossier de
son siège, regardant du côté de la fenêtre sans éventer la présence de l’intrus
ni se déranger. Il renouvela son geste et, cette fois, la jeune femme se leva, approcha
prudemment de la porte-fenêtre. Dès qu’elle eut reconnu le visiteur, elle
ouvrit et le fit entrer comme s’il était tout naturel qu’Axel se présentât
ainsi, tard dans la soirée, sans être annoncé et autrement qu’à la porte.
    — Mon Dieu, c’est assez inattendu de vous voir, chez
moi, à cette heure-ci, dit-elle en le guidant vers le fauteuil voisin de celui
qu’elle venait de quitter, où elle reprit place.
    — Une heure avant que je trouve votre billet, au moulin,
ma mère m’avait tout raconté et je voulais vous dire que vous pouvez compter
sur son absolue discrétion, révéla aussitôt le fils de Charlotte.
    — Je le crois, en effet. Il serait désastreux pour
votre famille que l’on découvrît le genre de relations que nous entretenons
depuis tantôt cinq ans, dit M me  Bovey, dont la maîtrise
mondaine impressionna Axel.
    Brusquement, il prit la main de Marthe, avec une ferveur qui,
par sa brutalité même, surprit la jeune femme.
    — Marthe, je suis venu vous dire que vous m’êtes
devenue indispensable. Et, pour répondre à votre billet, mon choix est de continuer
à vous voir. Voilà !
    M me  Bovey dissimula son émoi et retira lentement
sa main.
    — Ce que je vous apporte, Axel, n’importe

Weitere Kostenlose Bücher