Romandie
tonsure. Méprisant les ordres de leur chef, ils
s’étaient rués sur l’ecclésiastique et, comme ce dernier tentait de fuir, l’avaient
percé de leur baïonnette et finalement abattu à coups de fusil [201] .
Axel, absorbé par ses tâches administratives, se tenait à l’écart
des manifestations politiques et des événements locaux. Louis Vuippens, qui
soignaient les blessés des deux camps, maintenant hébergés dans les salles du
collège Saint-Michel, rejoignait son ami à l’heure des repas, l’ordonnance du
capitaine, garçon débrouillard et bon cuisinier, assurant agréablement l’ordinaire
grâce aux sommes que lui remettait Axel.
Les Veveysans avaient aisément connaissance du déroulement
des opérations, depuis que le général Dufour avait installé son quartier
général à Fribourg. En apprenant la capitulation de cette ville, les Valaisans
avaient renoncé à lancer une attaque contre Vaud, mais Druey et Rilliet
tentaient de convaincre Dufour de passer à l’action contre le Valais. Le
commandant en chef s’y opposait, connaissant les arrière-pensées politiques des
deux hommes. Soucieux, avant tout, d’épargner des vies, le général estimait que
le canton le plus déterminé se résoudrait plus tard à la capitulation.
Après avoir essuyé de sérieux revers dans le Tessin et les
Grisons, l’armée fédérale obtint la capitulation du canton de Zoug le 22 novembre,
puis après de violents combats à Gislikon et Rooterberg, celle de Lucerne, le 24.
Unterwald (le Haut et le Bas) se rendit le lendemain et Schwyz le 26 novembre.
Le canton d’Uri, dans le Tessin, résista deux jours de plus, puis capitula à
son tour. Dès lors, on sut que la guerre touchait à son terme. Restait le
dernier canton sonderbundien, le Valais qui, bien armé, paraissait décidé à se
battre vaillamment. Rilliet de Constant, excédé par les refus répétés de Dufour
et désireux de renverser le plus conservateur des gouvernements de Romandie, était
prêt à désobéir au commandant en chef pour en découdre avec les Valaisans.
Prouvant que les qualités du diplomate, associées à l’autorité
du militaire et au sang-froid de l’humaniste, peuvent éviter les drames, le
général Henri Guillaume Dufour obtint, le 29 novembre, la capitulation attendue.
La guerre avait duré trois semaines. L’armée fédérale avait mobilisé plus de 98 000
hommes, les cantons de la ligue séparatiste 85 000. Le premier bilan, publié
par la Diète et contesté par les Sonderbundiens, faisait état de 78 morts,
260 blessés et 50 disparus pour l’armée fédérale, 24 tués et 116 blessés
pour celle du Sonderbund.
Les cantons sécessionnistes vaincus, la Diète fédérale
décida aussitôt le licenciement des troupes, ce qui réjouit fort Axel Métaz et
Louis Vuippens, qui n’avaient pas la tripe militaire. La note commune des cinq
puissances étrangères, exigeant l’arrêt des combats, ne parvint au Directoire
fédéral que le 30 novembre. Elle avait été expédiée par l’Autriche, la
France, la Prusse et la Russie depuis plusieurs jours, mais M. Palmerston,
le Premier ministre britannique, qui souhaitait la complète victoire des radicaux,
s’était arrangé pour retarder sa remise, afin de laisser le temps à l’armée
fédérale de s’assurer une victoire complète ! On murmurait qu’un des
espions britanniques en Suisse, le pasteur Temperey, avait été envoyé au général
Dufour pour lui dire : « Faites vite ! »
Le capitaine Métaz ayant rendu ses rapports à l’état-major
et obtenu l’autorisation de rentrer chez lui, son devoir accompli, bouclait en
chantonnant son portemanteau quand son ordonnance vint l’informer qu’une dame, dont
le cabriolet était arrêté devant l’église des Cordeliers, demandait à le voir.
— C’est Madame votre épouse, mon capitaine, précisa le
caporal.
Axel eut du mal à contenir son étonnement. Que venait faire Élise
à Fribourg ? Ne sachant qu’imaginer, il dévala le perron et traversa la
chaussée. En voyant arriver son mari, M me Métaz descendit de sa
voiture et vint à sa rencontre.
Axel lui baisa la main puis, sentant croître son inquiétude
devant le visage fermé de sa femme, demanda vivement ce qui l’amenait.
— N’avez-vous pas un bureau où nous pourrions parler ?
Il fait froid.
— J’étais en train de faire mes bagages pour rentrer à
Vevey, dit-il en la conduisant jusqu’à la pièce où il
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