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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Mais mon maître
voulait pas que je sois prise par la police. Il voulait même m’épouser quand j’aurais
accompli mes sept ans de travaux forcés. Il m’a donc envoyée en cachette au
port, dans un char de laine qui devait être embarqué pour l’Angleterre. Je
devais l’attendre en ville en me cachant. Mais avec l’argent qu’il m’avait
donné, j’ai soudoyé un quartier-maître qui m’a procuré des habits de marin et j’ai
embarqué avec les ballots de laine. Je vous dis pas ce qui m’est arrivé quand
le maître-coq a découvert que j’étais un femme. Plutôt que d’être cachée par
lui, j’ai préféré aller trouver le commandant en second, un bel Écossais qui m’a
prise sous sa protection… moyennant quelques petits services.
    — Quel genre de services ? demanda Axel, malicieux.
    — Lavage, ravaudage, repassage et aussi… conversation, précisa
la Tsigane, souriant pour la première fois.
    Formée à l’école d’Adrienne, Zélia usait volontiers, comme
sa défunte maîtresse, d’euphémismes transparents.
    — Et, ainsi, tu as regagné l’Angleterre, dit Axel.
    — J’ai débarqué à Liverpool et j’ai suivi la piste
gitane…
    — La piste gitane !
    — Nous avons un code, un système de signes qu’on grave
sur les murs à l’entrée des villes ou des villages. Ils indiquent aux Tsiganes
les lieux secrets de réunion, s’il y a danger à demeurer dans la région ou si
les gens acceptent les nomades et sont généreux. Ainsi, un gitan marchand de
chevaux m’a procuré le moyen d’aller à Londres. Là, on m’a habillée en lady, car
on m’a reconnue comme une de la tribu de Koriska et suivante de notre princesse.
Comme je parle plusieurs langues et sais les bonnes manières, j’ai été engagée
par les romanis pour écouler la fausse monnaie. Alors, quand j’ai eu fait assez
d’argent avec mes commissions, je suis passée en France. À Paris, je suis allée
voir le Turc. Vous vous souvenez du gros Turc, Omar, de la rue Neuve-Luxembourg ?
Il est ruiné, ce porc ! Il m’a fait rosser, dépouiller et jeter dehors par
ses sbires. Les mouchards de la police m’ont ramassée mais je leur ai échappé
et me suis mise en route pour venir ici. J’étais sans un sou vaillant, crevant
la faim. J’ai subsisté, comme les plus pauvres de nos ancêtres nomades, mais je
savais que je serais bien reçue par l’homme à l’œil vairon, qui aurait un fils
à l’œil vairon. Et c’est un signe, puisque je suis arrivée en même temps que l’enfant !
C’est Adriana qui a commandé tout ça ! Elle qui m’a dit, la dernière fois
qu’elle m’a parlé : « Si tu t’en sors avant moi, retrouve Lazlo et
allez voir Axou. » Voilà toute mon histoire, conclut-elle en lâchant enfin
la main d’Axel.
    Mais une question brûlait les lèvres de Métaz.
    — Que sais-tu, toi, des derniers jours d’Adriana ?
risqua-t-il.
    — Rien. Au commencement on nous a enfermées, Miska et
moi, dans le même quartier qu’Adriana, dans la prison de Newgate. Lazlo, lui, avait
assommé ses gardes et s’était sauvé. Mais à la promenade, il était interdit aux
prisonnières de parler entre elles. D’ailleurs, on nous a mis à toutes des
masques sur le visage, pour que les femmes ne se reconnaissent pas, ne se
fassent pas de signes. Après le procès, nous avons été séparées. Et tout ce que
je sais, c’est que j’ai entendu, un matin, sonner la cloche de l’église du
Saint-Sépulcre et la foule, venue assister aux pendaisons, chanter un cantique.
Ça voulait dire que le bourreau avait fait son œuvre.
    — Et Miska, qu’est-elle devenue ?
    — Une Irlandaise m’a dit sur le ponton que les gardiens,
au matin de notre départ, avaient trouvé une romani, morte empoisonnée dans sa
cellule. J’ai su tout de suite que c’était Miska.
    Présentée un peu plus tard à M me  Métaz, la gitane
ne dit pas un mot mais tomba à genoux devant le berceau où dormait Vincent. Elle
murmura une sorte de prière dans sa langue gutturale. Cela déplut à Élise, qui
ne lui posa aucune question et ne chercha pas à prolonger l’entretien.
    La veille de Noël, en sortant de l’église Saint-Martin où
les Métaz, accompagnés de leurs parents et amis, avaient assisté au baptême de
Vincent, Élise demanda à son mari d’éloigner Zélia de Rive-Reine.
    — Faites-moi cette concession pour ma tranquillité, Axel.
Car, chaque fois que cette femme vient voir l’enfant, elle

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