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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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les sélectionneurs. »
    Il est vrai que la rage de vivre ne permet pas toujours de survivre, mais elle conduit certains à vendre chèrement leur peau et à mourir courageusement dans un dernier combat contre les bourreaux. Encore une fois, le docteur Coudert témoigne : « Début 1945, le docteur Maurice Gallouen me rend visite. On vient de lui amener un Russe bien mal en point. Il doit être fusillé, mais les S. S. n’entendent l’exécuter que lorsque ses pieds seront guéris. Il faut donc d’abord le soigner.
    « Je vais voir le prisonnier. Il a été arrêté à Kiev, lorsque les Allemands y étaient encore. De prison en prison, il a fait tout le trajet à pied, toujours enchaîné. Il est dans un état pitoyable, des jambes affreuses, dont on voit presque les os. Un teint blafard et deux croix noires tracées sur ses pommettes lui donnent un air cadavéreux. Ses yeux d’halluciné m’obsèdent.
    « Gallouen et moi, nous mettons de longues semaines à le guérir et prolongeons exprès nos soins, mais un jour les S. S. le prennent. Ses jambes vont mieux, on peut le fusiller !
    « Encadré par deux S. S., pistolet-mitrailleur au poing, il est emmené vers la cour du crématoire pour être attaché au poteau où des centaines d’hommes sont morts criblés de balles.
    « Le prisonnier a les mains liées. Comme on lui a déjà enlevé les chaînes des pieds, on lui retire ses menottes, car il doit être fusillé torse nu et il faut lui ôter sa veste. Alors, bondissant comme un tigre, le Russe se jette sur un des S. S., lui prend son arme, le tue, abat l’autre S. S., blesse un gardien du crématoire et se réfugie sur le toit d’une baraque, toujours le pistolet-mitrailleur en main. C’est là qu’un peloton de S. S. alerté le descend à la mitraillette. Oui, ce camarade a eu une belle mort ! »
    Mais la chance, la volonté de survivre sont grandement favorisées chez les rescapés du Revier par le dévouement et l’action des médecins et infirmiers détenus qui restent fidèles à leur mission ; par l’existence de la solidarité à l’intérieur du Revier, notamment avec le soutien de l’organisation de résistance internationale du camp et des mouvements nationaux, comme un autre chapitre le montrera. Et, si le Revier est la hantise de beaucoup de détenus qui meurent sans vouloir y entrer, si la mortalité est grande dans ces Krankenbauen d’Oranienburg-Sachsenhausen et de ses camps-annexes où il y a toujours entre 10 et 13 % des effectifs, d’autres déportés mettent à profit ce temps d’immobilisation pour souffler et briser un rythme devenu insupportable. Paulin Torio, le Biarrot, est l’un de ceux-là.
    Au cours de l’hiver 1944-1945, le bagne à la fonderie Klinker et la navette quotidienne entre cette usine et le kommando Heinkel l’ont usé. Il sait qu’il ne tiendra plus longtemps. Alors, Paulin Torio pense à son camarade Sallenave qui, victime d’une crise de sciatique a eu plusieurs jours de repos au Revier Heinkel : « Pourquoi n’aurais-je pas, moi aussi, une sciatique ? Mon frère, qui est avec moi, est effrayé de ce qui peut se passer si la supercherie est éventée. Sallenave ne me cache pas non plus que c’est dangereux. Qu’importe, je suis décidé et leur dis à tous deux : “Arrivera ce qui arrivera ; demain matin, je ne peux pas me lever et vous m’emmenez sur la place d’appel comme on l’a fait pour Sallenave.” Le coup réussit et j’ai la chance d’être reçu au Revier par l’infirmier Eugène Legendre, à qui je dis la vérité. “Fais attention, me confie-t-il, on va te garder deux ou trois jours, pas plus, il y a des contrôles.” » Sa hardiesse vaut à Paulin Torio un supplément de récompense, dont il est vain de rechercher le mécanisme : à sa sortie du Revier, il ne retourne pas à la fonderie de ses cauchemars. Trois jours ou plus à être coupé de la vie quotidienne du camp peut enfin conduire certains, peut-être plus philosophes, à éprouver un sentiment de bien-être relatif, à l’exemple de Brunninghausen de Harven au Revier III de Sachso :
    « Ce matin, j’entends, rendue plus aiguë par le froid de cet hiver précoce, la diane des S. S., suivie de la sinistre cloche du réveil qui, elle-même, précède celle de l’appel. Pour nous, pour moi, pas d’appel ! Pas d’appel, pas de trépignements des heures durant sous la bise, pas de corvées, pas d’exercices, pas de queues à l’heure

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