Sachso
d’Allemagne après la prise du pouvoir par Hitler. Il a combattu en Espagne dans les Brigades internationales et parle correctement le français. Maintenant, c’est un forcené qui frappe avec sadisme, et Gaston Bernard s’indigne avec d’autres : « Henri Rossignol, qui n’est pas dans notre block mais a bien connu Hans avant guerre à Vigneux, dont il était maire-adjoint, intervient près de lui. L’accalmie dure peu et Hans se déchaîne à nouveau dans ce block où les Français sont nombreux. Il va jusqu’à sauter de table en table pour cogner ; on le surnomme Tarzan.
« Un jour, il frappe violemment au crâne notre camarade Jules Dupont, d’Aubervilliers, déjà âgé, qui a la tête ensanglantée…
« Plus tard, Tarzan est mêlé à une affaire de trafic et envoyé à la Strafkompanie de Sachsenhausen. Il surveille les marcheurs qui testent les chaussures de la Wehrmacht autour de la place d’appel ; il contrôle le nombre de tours qu’ils font… »
En février 1943, chez Heinkel également, Louis Chaput et ses camarades sont placés devant un problème du même ordre : « Dans le hall 3 où je travaille à la kolonne 7 avec un groupe de bons camarades (Adam Lucien, Darnaudet André, Delaux, Alain Julien, Lecour, Desauge Robert, Halsdorff Gabriel, Joly André et deux ou trois autres dont les noms m’échappent), le Hallenvorarbeiter est un Allemand à triangle rouge, Paul Schlosser, dont nous savons qu’il est arrêté depuis 1933 et qu’il s’est illustré durant les années 20 dans un mouvement révolutionnaire des marins de la Baltique. Mais les premiers contacts avec lui sont rudes et nous laissent une impression plutôt mauvaise.
« C’est un colosse d’environ cent kilos, vêtu d’un pantalon rayé en tissu d’une qualité supérieure au nôtre, d’une veste bleu marine apparemment ajustée à sa taille et d’un Mütze de même couleur. Il a tous les détenus du hall 3 sous sa coupe. Il ne se manifeste pas d’une façon constante ; il lui arrive de rester étranger à certains petits drames qui se déroulent sous ses yeux ; il semble ne pas voir et laisse faire. Mais, quand il intervient personnellement, c’est sans aménité, toujours avec fureur et brutalement.
« J’en discute avec le Vorarbeiter en second de notre kolonne, Jean Aaken, de nationalité allemande, triangle rouge et, comme Paul Schlosser, arrêté en tant que communiste dès l’avènement de Hitler. Lui est un homme de cœur, aux qualités multiples et grandes, dont le comportement n’a rien à voir avec celui du Vorarbeiter en titre de notre kolonne, Joseph, un triangle vert originaire de Dantzig, ni avec celui de son sous-ordre, un “vert” de Dantzig également que nous surnommons “Pou piat” parce qu’à chaque rassemblement il ne cesse d’aboyer en polonais “ Pou piat !” (par cinq).
« Si le Meister civil, responsable de notre équipe, se plaint de l’un de nous auprès des deux “verts”, c’est une distribution de horions assurée. S’il s’adresse à Jean Aaken, l’incident ne dépasse pas l’engueulade-bidon proférée sur un ton comparable à celui des brutes authentiques, accompagnée de gestes de menace. Car sa conception du comportement d’un Vorarbeiter, d’un chef de block, consiste à favoriser le plus possible le sort et la survie dès détenus et à aider la collectivité, ce qui, dit-il, ne peut se réaliser qu’en utilisant des faux-semblants crédibles aux yeux des S. S. et autres nazis. Ce qu’il fait pour son compte sans jamais atteindre ni dépasser les limites à partir desquelles on ne distingue plus le vrai du faux. De plus, il est de ceux qui, hors de la vue des S. S. et en l’absence des Meister, ne continue pas d’interpréter son rôle de garde-chiourme.
« Pour Paul Schlosser, les choses sont différentes. Il agit de la même façon, que les S. S. et les civils nazis soient présents ou non. Il n’en continue pas moins d’affirmer en privé qu’il reste fidèle à son idéal et à son passé.
« Jean Aaken, tout en reconnaissant que Schlosser dépasse les bornes, met ses excès au compte de son tempérament fougueux, qui ne lui permettrait pas de se maîtriser. Pour tenter de dissiper toute ambigüité, mandaté par mes camarades je demande une entrevue à Schlosser par l’intermédiaire d’un Autrichien, ancien des Brigades, qui parle français et pourra me servir d’interprète. La rencontre a lieu en avril ou
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