Sachso
recopier le communiqué journalier donné par Désirat pour le transmettre à plusieurs blocks. Pendant que tout le monde est au réfectoire à midi, nous nous installons derrière une baraque, écrivant le plus vite possible. Soudain surgit l’adjudant S. S. Pauset. Avant que nous ayons le temps de faire un geste il est sur nous, prend tous nos papiers et relève nos matricules. Aussitôt, nous courons avertir Désirat et Depollier à seule fin que toutes les précautions soient prises en cas de recherches. L’après-midi est longue. Le soir à l’appel, rien ! Après une nuit sans sommeil, à l’appel, rien encore.
« Nous ne saurons que plus tard avoir été sauvés par le départ subit de “la Girafe”, surnom de l’adjudant, pour le front de l’Est. Mais je me souviens encore du dévouement manifesté alors à mon égard par “Petit Roger”. Il déclare, devant nos deux responsables qui, bien sûr, ne nous complimentent pas pour notre vigilance : “Jean est marié, il a un gosse ; moi, je suis célibataire. Je prendrai tout sur moi.” »
Depuis mai 1943, Léon Depollier renforce en effet la direction du Front national à Heinkel. Il est arrivé au kommando avec le second et important contingent français des « 65 000 ». Il parle excellemment l’allemand, le russe, la plupart des langues slaves et l’espagnol. Grâce à lui les rapports avec les autres communautés nationales s’améliorent, et aux célèbres séances de sketches et de chants animées au block du hall 8 par André Bergeron s’ajoutent d’autres manifestations qui consolident l’autorité morale des Français. Les commémorations des grandes dates de l’histoire du peuple français en sont le prétexte. Elles sont soigneusement préparées pour être unanimes, elles sont soigneusement minutées pour déjouer la répression. Malgré les mouchards, jamais les S. S. ne seront prévenus, preuve de la solidité de l’organisation.
Dès le 14 juillet 1943, on célèbre la fête nationale dans tous les halls, avec beaucoup d’éclat dans celui de Jean Szymkiewicz : « Au hall 6, les Français arborent un insigne tricolore (fait de fils électriques bleus, blancs et rouges, de cinq à six centimètres, soudés aux deux extrémités), facile à glisser dans une boutonnière de la veste rayée. Les civils, interloqués, interrogent. On leur répond : Fête nationale ! Rien que cet acte donne du courage. C’est pour nous l’espoir de la démolition des Bastilles, de la victoire, de la liberté. »
Peintre en lettres dans ce même hall 6, Louis Voisin a fait un extra pour cette occasion : « Camouflé dans une carlingue sous la protection de Coulombeix, un cheminot de Capdenac, je repeins ma boîte à godets en vert espérance avec deux coins tricolores et deux coins rouges. En fines lettres bleues, j’y inscris d’un côté : “Contre nous de la tyrannie – l’étendard sanglant est levé” et de l’autre côté : La République nous appelle – sachons vaincre ou sachons mourir !”
« Tous les copains viennent en procession voir ma petite boîte. Le moral des Français est du tonnerre. Les camarades d’autres nationalités nous félicitent…
« Hélas, trois jours après, je surprends un civil penché sur ma boîte. Il déchiffre péniblement, se redresse et me dit : Ja ! Ja ! Tyrann… 14 juli… grosser französischer Feiertag !” Et il file au bureau du Hallenleiter. Je n’ai pas besoin d’un dessin et je passe en vitesse une épaisse couche de vert sur ma boîte. Du coin de l’œil, je vois arriver toute la direction civile du hall. Ils demandent des explications au mouchard décontenancé, et sans doute ont-ils d’autres chats à fouetter, car c’est lui qui se fait engueuler ! »
Le 20 septembre 1943, anniversaire de la victoire de Valmy, remportée le 20 septembre 1792 par les armées de la République sur les envahisseurs prussiens, les groupes des F. T. P. de Heinkel reconstitués sous le commandement de Jean Szymkiewicz décident un test. Ils se confectionnent des insignes et, après l’appel, leurs unités passent séparément, en ordre et aux heures fixées, devant le block 5 où s’est postée la direction.
Trois mois plus tard, le block 5 est encore choisi par les Français pour placer la célébration de Noël sous le signe de l’entente internationale contre le fascisme. Charles Désirat en souligne toute l’importance :
« Avant Noël 1943, nous
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