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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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bienveillant, et pour qu’elle ne me prenne pas pour une voleuse ou une criminelle, je lui explique brièvement mon cas de Française lorraine, annexée malgré elle. C’est alors que la petite bonne qui se trouvait là, émue de me voir dans cet état, fond en larmes et me dit qu’elle aussi est originaire d’un pays annexé : la Silésie. La pauvre fille a tout perdu, y compris ses papiers, dans l’évacuation tumultueuse et précipitée à l’approche des troupes russes. Elle a été recueillie par cette boulangère compatissante qui l’a gardée à son service. Je lui confie ma crainte d’être reprise. Dégrafant son tablier bleu, elle me le tend : “pour cacher votre rayé”, dit-elle.
    « Touchée aux larmes à mon tour, je l’embrasse et la remercie chaleureusement. Comme je ne veux pas compromettre ces braves femmes, je reprends ma course et parviens à la sortie de la ville. Je me dis qu’il faut m’éloigner à tout prix, me sauver des chiens qu’on a dû lancer à la poursuite des fuyardes. Je quitte alors la route pour la forêt proche. J’évite les cratères creusés par les bombes. Je marche longtemps, longtemps, tressaillant encore à chaque nouvelle explosion.
    « À la tombée de la nuit, en débouchant de la forêt j’aperçois plusieurs maisonnettes assez isolées ; de l’une d’elles sort une très vieille dame qui ferme les volets. Je m’approche et lui explique que j’ai besoin d’un abri pour la nuit. “Vous n’êtes pas la première que j’abrite, entrez !” me dit-elle. Elle vit seule, ancienne sage-femme à Berlin revenue après son veuvage prendre sa retraite dans son pays : Schmatchenhagen.
    « Au bout de quelques minutes, je me rends compte que j’ai de la chance. Mon hôtesse, Frau Kroschwald, n’est pas nazie et me le dit spontanément. Mise en confiance, je lui raconte mon histoire. Dès lors, elle m’apporte aide et soutien, dans la mesure, bien sûr, de ses faibles moyens. En s’excusant de ne pas avoir de lait, elle me fait cuire un peu de semoule dans de l’eau. Mais, telle quelle, cette soupe me paraît un festin. J’ai droit ensuite à un lit, dans sa propre chambre, unique pièce habitable en plus de la petite cuisine.
    « Malgré ma fatigue et bien qu’à bout de nerfs, je ne me couche pas aussitôt. Je réfléchis à ce que je dois faire pour ne pas être reprise. Je me dis qu’avant tout il me faut soigner mon physique. Je mets donc des papillottes au bout de mes longs cheveux raides et, à ma demande, mon hôtesse accepte de me prêter des vêtements. Ce qui me permet de cacher au grenier mon rayé, compromettant dans l’immédiat mais qui constituera bientôt, je l’espère, un témoignage d’identité aux yeux des libérateurs qui ne vont pas tarder à apparaître. Totalement épuisée, je sombre enfin dans un sommeil peuplé de cauchemars épouvantables et, au matin, je dois faire un effort pour réaliser ma nouvelle situation, loin d’être brillante.
    « Ma décision est vite prise. Si je veux vivre là, il me faut des tickets de ravitaillement, donc des papiers d’identité !… Et si je me disais une réfugiée, ayant tout perdu comme la jeune fille de la boulangerie d’Oranienburg ? “C’est une bonne idée, approuve Frau Kroschwald, surtout que vous ressemblez à une de mes petites cousines de Breslau. Vous pourrez vous présenter comme ma cousine Léni Weisser.” Heureuse – ô combien ! – à cette perspective tellement inattendue, mais prudente malgré tout, je pose toutes sortes de questions sur cette personne dont je vais emprunter l’identité. En fin de compte, je demande s’il n’existe pas une photo d’elle. Miracle ! Dans le gros album de famille, je découvre la photo d’amateur d’une jeune fille qui a effectivement à peu près ma tournure, d’avant les privations de la guerre, bien sûr.
    « Ma leçon bien apprise, gonflée à bloc, le 16 mars 1945, premier jour de ma liberté retrouvée, je décide de me présenter sans plus attendre à la mairie de Schmatchenhagen. Toutefois, je me fais expliquer sur une carte la topographie du pays et sa situation par rapport à Oranienburg. Il n’en est éloigné que de huit kilomètres. C’est dire que mes jambes, la veille, ne m’ont pas portée bien loin.
    « En début d’après-midi, rendue à peu près présentable par les bouclettes résultant de l’emploi des papillottes, vêtue “à la réfugiée” avec les vieux vêtements de

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