Sachso
l’ultime halte pour ceux de Schwarzheide. Dans la nuit, les S. S. s’enfuient en abandonnant leurs affaires. Au matin du 9 mai, Fernand Aubert se secoue : « Je sors avec Aristide Pouilloux. Nous apercevons des résistants tchèques avec des brassards. Nous sommes libres… »
Roland Rondeau, un Français de Sachsenhausen, parti d’abord en transport à Buchenwald, reprend le train au début d’avril 1945 à Weimar. Dans chaque wagon de marchandise, quatre-vingts déportés s’entassent : quarante de chaque côté des cordes qui, tendues entre les deux portes, laissent au milieu une allée libre pour les deux S. S. de garde. Le convoi grimpe dans la montagne vers le sud, fait une incursion en Tchécoslovaquie, puis remonte vers la Bavière.
La soif, la faim font des ravages. Un fourgon, en queue du train, recueille les cadavres. Et soudain, au soir du 18 avril, c’est le drame dans la prison roulante de Roland Rondeau. Les deux S. S. s’amusent, à grand renfort de rires, à assommer cinq prisonniers qui ont le malheur de ne pas leur plaire. Ce quintuple crime précipite la révolte que Roland Rondeau sentait couver dans le wagon depuis quelque temps, principalement chez les Russes et les Polonais.
La nuit tombée, ces derniers bondissent sur les deux sentinelles, l’une a le cou tailladé. Des coups de feu éclatent, une balle érafle la tête de Roland Rondeau. Mais cinq détenus prêtent la main aux S. S. qui reprennent le dessus. Le train stoppe. Deux S. S. supplémentaires montent dans le wagon dont tous les occupants, sauf les cinq traîtres, sont promis à la mort. Le massacre s’engrène. Vers quatre heures du matin, le 19 avril, Roland Rondeau émerge de son cauchemar : « Au milieu du wagon, il y a une dizaine de tués : les cinq assommés de la veille et les autres qui s’y ajoutent. Chaque victime doit se coucher sur le tas mouvant des cadavres ; le S. S. s’approche, lui pose un pied sur le dos et lui tire une balle soit dans la tête, soit à la poitrine. Il y en a bientôt quarante-sept… Dans le wagon, règne une odeur de poudre mais surtout de sang chaud… Vers six heures, pendant un moment de répit, un blessé se met à râler, puis crie et demande de l’eau. Le S. S., pour toute réponse, lui tire à nouveau une balle dans la poitrine. Peu après, l’agonisant reprend ses cris. Cette fois, le bandit prend un morceau de gourdin cassé la veille sur la tête des cinq premiers tués ; du pied, il appuie sur la gorge du malheureux pour lui faire ouvrir la bouche et y plonge le bout de bois en riant aux éclats. Deux heures plus tard, le train s’arrête en rase campagne et nous devons transporter les corps dans les “fourgons mortuaires”. Ils sont pleins à ras bord. Une halte de deux jours est nécessaire pour brûler tous les cadavres dans un immense brasier où les morts et les branches de sapin alternent en couches superposées… Le 29 avril, à trois heures du matin, nous arrivons à Dachau. »
LA MORT TRANSITE À HEINKEL
Malgré les transports qui le quittent, de l’été 1944 au printemps 1945, Sachsenhausen ne se vide pas, au contraire ! Car la pression des Alliés sur tous les fronts y fait également converger des détenus d’autres camps.
Au début de juillet 1944, un convoi français venant de Neuengamme, arrive au grand camp et reçoit ses matricules dans la série des « 84 000 ».
En août 1944, leurs camarades parisiens accueillent avec beaucoup d’émotion un petit groupe de trente déportés d’Auschwitz, parmi lesquels René Petitjean, Maurice Paquin et Auguste Monjauvis. Ce sont des rescapés du convoi du millier de militants communistes et syndicalistes partis de Compiègne le 6 juillet 1942 pour le camp d’extermination d’Auschwitz, où les neuf dixièmes de ces Français sont morts en deux ans. Les cent vingt survivants ont été divisés en quatre groupes de trente. Un seul est maintenu sur place. Les trois autres sont transférés dans trois camps différents : Sachsenhausen, Buchenwald et Dachau.
Ceux pour Sachsenhausen montent en gare de Rajsko, dans des wagons à bestiaux, avec des Polonais, des Tchèques, des Autrichiens et des Ukrainiens qui sont aussi du voyage. Leur dernière vision d’Auschwitz est atroce. Près de leur train qui va partir, un autre train arrive. René Petitjean écarquille les yeux : « C’est un convoi de femmes et d’enfants parqués dans des wagons de deux étages à
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