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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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le cœur pour masquer mon numéro. Tout le monde est encore à table. D’un pas nonchalant je me dirige vers le dortoir où je tombe sur un Stubendienst balai en main. Il m’observe mais allez donc reconnaître un détenu quand vous en avez deux cents à charge. Il me colle le balai dans les mains et me passe la corvée avant de regagner le réfectoire. Je fonce dans les allées, inspecte les lits. Une capote est étendue sur une couverture. Je m’en empare, lâche le balai, saute par une fenêtre, le cœur battant. Je m’éloigne d’abord prudemment puis au pas de course, enfile la capote dont je fais disparaître l’écusson et réapparais dans mon block, avec force gestes pour expliquer que mon numéro s’est déchiré. Cela me vaut une paire de gifles, mais j’hérite d’un nouvel écusson que je couds prestement.
    « Voilà comment on devient un voleur. J’essaie de me rassurer, de me dire : “C’est un coup de colère”, mais en suis-je bien convaincu ? »
     
     
L’ORCHESTRE ET LA SCHLAGUE
    De temps à autre, une voix tonitruante résonne sur tout le camp de Sachsenhausen. Des haut-parleurs retransmettent un discours de Hitler ou d’un autre dirigeant du Grand Reich. Ils diffusent aussi des communiqués spéciaux du Grand Quartier général nazi, mais, comme les victoires se raréfient, on y entend davantage d’airs hitlériens et de grande musique. Car les S. S. se piquent d’être mélomanes…
    Dans cette société démentielle qu’est le camp, ils ont poussé le cynisme jusqu’à créer un orchestre de trente à quarante détenus qui joue selon les cas des concerts symphoniques pour les S. S. ou des marches de fanfare pour la rentrée des effectifs, la capture d’un évadé, la pendaison d’un condamné…
    Trois Français font partie de l’orchestre, trois instrumentistes de grand talent : Marcel Soubeirat, violoncelliste ; Robert Teurquety, trompettiste ; Georges Denis, clarinettiste. Lors des défilés sur la place d’appel, Marcel Soubeirat est facilement reconnaissable : « Je suis en tête de l’orchestre. Dans ces occasions ne jouent en effet que des instruments à vent. Or je n’en pratique aucun, contrairement aux violonistes de notre formation qui peuvent souffler soit dans une clarinette, un hautbois, une trompette… ou un clairon. On m’a donc confié le Glockenspiel, cet instrument typique qui ouvre les défilés allemands, avec ses petites clochettes que je fais sonner principalement au rythme de la Marche du Prinz Eugen. »
    Marcel Soubeirat ne retrouve son violoncelle que pour les répétitions du soir et les concerts symphoniques du dimanche. Dans la journée, comme tous les autres déportés, les musiciens de l’orchestre travaillent. Ils sont en majorité Polonais ; il y a une forte proportion de Tchèques, quelques Norvégiens. Un Allemand, ancien chef de musique militaire arrêté depuis longtemps, Peter Adam, est le Kapellmeister, le chef d’orchestre. Tous logent au block 15, que l’on appelle « le block des diplomates », car il abrite des personnalités politiques de divers pays mais de moindre notoriété que celles du Sonderlager.
    Marcel Soubeirat apprécie tout particulièrement un avantage des musiciens : « Nous sommes comptés à part dès notre retour du travail, et, au lieu de participer pendant des heures interminables à l’appel du soir, nous rentrons directement au block.
    « De plus, nous avons un costume rayé propre pour les concerts et nous percevons toujours un peu de soupe supplémentaire. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est énorme pour un déporté.
    « Enfin, nous n’allons pas au travail le dimanche matin mais, en formation sur la place d’appel, nous jouons jusqu’à ce que le dernier kommando soit parti. Nous rentrons alors répéter à nouveau pour le concert dominical de l’après-midi. Il a lieu dans un block près de la blanchisserie, aménagé en salle de cent cinquante places pour le commandant du camp et ses principaux S. S.
    « Nous jouons souvent Wagner, Beethoven, Mozart. Par contre, interdiction d’interpréter Mendelssohn, Saint-Saëns : leurs œuvres sont considérées comme de la musique juive. Proscrite également la musique américaine et anglaise… »
    L’orchestre ne se produit pas qu’à Sachsenhausen, indique Georges Denis : « Parfois, nous sortons du camp pour donner un concert aux kommandos Heinkel et Klinker. Nous allons à pied et en musique à Klinker, le plus

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