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Satan à St Mary le bow

Satan à St Mary le bow

Titel: Satan à St Mary le bow Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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suis une catin, la maîtresse d’un homme et la cause possible de la mort de deux. C’est vous, Messire, qui vous oubliez !
    Corbett se leva, le banc tombant derrière lui avec fracas.
    — Madame !
    Il salua et se retourna pour partir, mais elle se leva, elle aussi, le regard suppliant à présent et une main légère posée sur son bras.
    — Messire, murmura-t-elle, je suis désolée. Corbett voulut relever le banc, mais trébucha, heurta la table du dos et faillit tomber. Le visage cramoisi, il tourna la tête et vit qu’elle étouffait un rire. Il grimaça, piétina un peu, redressa le banc et se rassit. Le géant Peter surgit, attiré par la chute du banc et les éclats de voix, mais Alice lui fit signe de sa main gantée et il s’esquiva aussitôt. Puis touchant légèrement Corbett à l’épaule, elle alla dans un coin de la cuisine et en rapporta deux gobelets remplis de vin.
    — Mon meilleur bordeaux, dit-elle. Je vous en prie, buvez. Je suis désolée de vous avoir offensé ! Corbett leva son gobelet en son honneur et but lentement. Le vin était bon ; son goût sucré lui remplit la bouche et la gorge tandis qu’il l’écoutait parler de son mariage, de son veuvage, de la gestion de la taverne et de la nature de ses relations avec les deux défunts.
    — Je les connaissais tous les deux, répéta-t-elle, mais simplement parce qu’ils venaient ici.
    — Jean Duket a dit de vous que vous étiez une catin et la maîtresse de Crepyn, objecta Corbett. Pourquoi ? Elle eut un sourire forcé.
    — Jean est une femme stupide et méchante ; de plus, c’est une langue de vipère. Elle peut bien dire ce qu’elle veut, ses paroles sont dictées par l’envie et la colère.
    — Savez-vous pourquoi Crepyn et Duket se sont disputés ? s’enquit Corbett.
    — Non.
    — Ou la raison pour laquelle Duket a bien pu se suicider ?
    — Non, répondit Alice. Mais il a toujours été un homme timoré ! Il avait peur de son ombre !
    — Dans quelles affaires Crepyn trempait-il ? Alice s’assit et réfléchit, le doute et la perplexité se lisant dans ses yeux superbes et sur son beau visage.
    — C’était un usurier, dit-elle lentement. Un homme qui est parvenu à un poste important de la cité. Un partisan des « Populares » qui s’est montré loyal envers la Couronne tout en soutenant encore la politique radicale du grand — elle se reprit — de Montfort.
    — Et Duket ? Pourquoi s’est-il querellé avec Crepyn ?
    — Crepyn était un usurier haï par beaucoup de gens. Les Duket ne furent pas les seuls à être pris dans ses filets.
    Elle baissa les yeux.
    — Peut-être Crepyn méritait-il ce qui lui est arrivé, poursuivit-elle doucement. Je le mettais en garde quelquefois, mais il ne faisait qu’en rire.
    Il y eut un silence pendant lequel elle joua avec le bout d’un de ses gants de soie.
    — Est-ce tout ? demanda Corbett. Elle fit signe que oui, mais ajouta :
    — Pour l’instant.
    Puis elle se leva et alla à un grand coffre au fond de la cuisine. Elle en sortit une flûte qu’elle apporta à Corbett.
    — Votre visite m’a attristée, Messire. Je me sens malheureuse et irritée devant la mort stupide de deux personnes que je connaissais. J’ai toujours constaté que la flûte apaise les humeurs révoltées de l’esprit et du corps.
    Corbett restait assis, comme en transe. Cette flûte était presque la réplique exacte de celle qu’il avait eue des années auparavant pendant la période dorée de sa vie, avant qu’elle ne disparût, brisée, sur le bûcher funéraire où il l’avait jetée. Comme dans un rêve, il tendit la main et prit la flûte, caressant son bois poli comme si c’était le visage de son enfant perdu qui lui revenait. Il la porta à ses lèvres et se mit à jouer. Le son doux-amer et obsédant s’éleva dans la pièce, le faisant frissonner de tout son corps. Il joua et pouvait presque sentir le soleil du Sussex sur son visage, presque voir son enfant danser et rire, et sa femme, appuyée contre le mur, les bras croisés, sourire au musicien et au danseur. Il joua, indifférent aux larmes qui lui brûlaient les yeux et baignaient son visage. Puis ce fut fini, vision et musique disparurent, et il se retrouva seul face à une beauté qui le regardait fixement.
    Il reposa doucement la flûte sur la table, salua et sortit tranquillement de la cuisine ; il traversa ensuite la grand-salle et repartit dans le froid et la rue obscure. Il

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