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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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de cire, un éclairage de dorure transparente sur les parquets laqués, une grande clarté dans toutes les pièces et particulièrement dans la chambre où Nora m’attend de préférence.
    En entrant, je lui souris. Elle vient à moi et c’est le patin d’accueil. Elle excelle à vous enfiler sa langue, à vous entortiller la vôtre, d’un coup bref, sans s’attarder. Elle n’a pas plus tôt posé ses lèvres sur les miennes que c’est déjà fait. Avec le même naturel que s’il était inconcevable de s’embrasser autrement. Ses yeux pétillent, se rétrécissent en me fixant, deviennent presque durs, effilés, avec une pointe de sourire au loin. Le même sourire congelé que doivent avoir les tortionnaires. Elle est allumée du matin au soir et du soir au matin. Le repas seul me sauve, sans quoi je devrais me déculotter séance tenante. Le lit pas encore fait. Ça m’amuse de jeter un coup d’œil sur le drap. Les larges taches jaunâtres de tout ce foutre que je lui ai soutiré en deux soirées, puisque Jiecke change le linge tous les deux jours. Parfois, Nora m’observe et nos regards se croisent. Entente muette. Voir ça sur les draps en ma présence la chahute. Elle a de ces petits tressaillements nerveux de tout le corps. On la sent prête à piaffer. Elle ricane. Ça l’agace. Espiègle. Ça lui plaît. Une foulée de sève qui doit lui traverser la moelle épinière. Je suis certain qu’en insistant un peu elle prendrait son pied, là, toute seule, sans qu’on la touche, debout à deux mètres de moi. Elle se transforme en écume de sexe. Lave ovarienne. On dirait que je la manipule à distance au bout d’une tige invisible. Ça devient quelquefois tellement insupportable pour elle que je suis obligé de couper le contact en lui rappelant que nous devons aller manger. Elle revient à elle, hausse les épaules, rabat les couvertures d’un geste sec. En rogne. C’est que je ne fonctionne pas sur le même rythme, tant s’en faut. Pas toujours disposé. Surtout pas quand j’ai faim. Et si je n’ai pas dormi de la nuit, je suis flapi, qu’on me foute la paix, on verra après la sieste.
    C’est Jiecke qui essuie les premières rafales. Inévitablement. Jiecke qui, du fond de sa cuisine, s’entend appeler à tue-tête et qui accourt, idiote, les yeux ronds, l’air affolé, elle devrait pourtant avoir l’habitude, s’essuyant les mains dans son tablier. Le dialogue qui s’ensuit me passe au-dessus du crâne. Ce qui me paraît extraordinaire, c’est que Nora trouve toujours quelque chose à lui reprocher dans ces moments-là et que l’autre riposte. Entre elles deux ce n’est qu’une seule et même engueulade qui se poursuit depuis des années.
    Pendant la durée de ce gazouillis je regarde la rue par la fenêtre. Le boulevard est spacieux. Immeubles cossus derrière la rangée de platanes comme un rempart naturel. Les gens qui marchent. Pressés. Une fille bien habillée. Rien qu’à sa démarche, à sa façon d’onduler les hanches, je sais ce qu’elle doit donner au lit. Je la suis des yeux aussi longtemps que je peux. Jusqu’à ce qu’elle disparaisse, cachée par le cadre de la fenêtre. Recommence avec une autre. Les femmes que je vois dans ce quartier où je n’avais jamais eu l’idée de venir auparavant ne sont pas plus belles qu’ailleurs, mais dans l’ensemble mieux habillées. Marchent aussi avec plus d’élégance, plus d’assurance. Elles ont le fric derrière elles. Bon Dieu, c’est pourtant la pure vérité, je n’ai encore jamais baisé autre chose que des femmes qui travaillaient pour vivre. Comment ce doit être avec les autres ? Les délassées. Ont-elles le con plus richissime ? A-t-il le même air pincé, le même air hautain qui se lit dans leurs regards de poules bichonnées quand elles vous croisent sur le trottoir ? Je devrais y aller voir d’un peu plus près, qu’est-ce que j’attends ? Pour Nora, c’est différent. À la quarantaine, elles se ressemblent toutes. Pressées. Veulent en profiter jusqu’à la corde. Ce qui me plairait, c’est d’en lever une toute jeunette, de bonne société, lui faire sauter le pucelage, être reçu dans la famille, officiel, assister à la soirée d’anniversaire avec gâteau aux chandelles et robe de mousse sous les pendeloques scintillantes du grand lustre de cristal. Et au point culminant de la cérémonie, avant de prendre la porte, leur annoncer à tous que j’ai défoncé leur fille comme une

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