Sépulcre
que les cartes de tarot n’ont cessé de ponctuer votre promenade de ce matin à Rennes-le-Château. J’ai dû mal comprendre, ajouta-t-il en haussant les épaules.
Meredith repensa à la matinée. Certes, elle avait eu en permanence le tarot à l’esprit, mais elle ne se souvenait pas d’en avoir parlé avec Hal. Julian la fixait toujours sans ciller, et elle crut voir une lueur de défi dans ses yeux. Comme le silence qui s’étirait devenait pesant, elle finit par répondre.
— L’idée générale, c’est que si les cartes semblent être tirées au hasard, la façon dont on les bat permet à des connexions invisibles de se manifester.
— Bien résumé, déclara-t-il sans la quitter des yeux. Et vous a-t-on jamais tiré les cartes, mademoiselle Martin ?
Un rire étranglé lui échappa.
— Pourquoi cette question ?
— Simple curiosité.
Meredith le foudroya du regard, furieuse qu’il réussisse à la mettre aussi mal à l’aise et qu’elle se laisse atteindre à ce point.
Alors une main s’abattit sur son épaule et elle se retourna en tressaillant. Cette fois, c’était Hal, et il lui souriait.
— Pardon, dit-il. Je ne voulais pas te surprendre.
Il salua son oncle, puis s’assit en face de Meredith.
Sortant la bouteille du seau à glace, il se servit du vin.
— Nous parlions de tarot, informa Julian.
— Ah oui ? dit Hal en les dévisageant tour à tour. Et qu’en disiez-vous ?
Meredith n’avait pas envie de poursuivre sur ce sujet, mais elle devina que c’était pour Hal une bonne façon d’éviter que son oncle ne le questionne sur sa visite au commissariat.
— Je demandais juste à M lle Martin si elle s’était déjà fait tirer les cartes, expliqua Julian. Elle allait me répondre quand tu es arrivé.
Décidément, impossible d’y échapper. À voir la façon dont il la ramenait sans cesse au même sujet, on aurait dit qu’il essayait de la piéger.
— En fait, on m’a tiré les cartes pour la première fois il y a deux jours, finit-elle par admettre du ton le plus neutre possible. Quand j’étais à Paris.
— Et l’expérience vous a-t-elle été agréable, mademoiselle Martin ?
— Intéressante, en tout cas. Et vous, monsieur Lawrence ? Cela vous est-il arrivé ?
— Je vous en prie, appelez-moi Julian, dit-il d’un air amusé où Meredith discerna comme un regain d’intérêt. Non, cela ne m’est jamais arrivé. Je ne suis guère attiré par ce genre de pratiques. Pourtant, le symbolisme associé au tarot m’intrigue assez, je l’avoue.
Meredith se crispa soudain. Ses soupçons se vérifiaient. Ce n’était pas une conversation anodine : il cherchait à lui soutirer une information précise. Elle but une autre gorgée de vin et afficha un air détaché.
— Ah oui ?
— Oui. Le symbolisme des nombres, par exemple, continua-t-il en enfonçant la main dans sa poche.
Meredith se raidit encore. Ce serait affreux s’il sortait maintenant un jeu de tarot. Il soutint son regard un instant, comme s’il savait exactement ce qui lui traversait l’esprit, puis sortit de sa poche un paquet de cigarettes et un Zippo.
— Une cigarette, mademoiselle Martin ? proposa-t-il en lui tendant le paquet. Remarquez, cela nous obligerait à aller la fumer dehors.
— Je ne fume pas, rétorqua Meredith, furieuse de s’être laissé prendre et surtout d’avoir montré son désarroi.
— Tant mieux pour vous, dit Julian en posant le paquet sur la table. Le symbolisme des chiffres dans l’église de Rennes-le-Château est tout à fait fascinant, par exemple, reprit-il, l’air de rien.
Meredith chercha Hal du regard avec l’espoir qu’il intervienne pour la tirer de ce mauvais pas, mais il semblait un peu ailleurs, sans doute à dessein.
— Je n’ai rien remarqué, dit-elle.
— Non ? Le nombre vingt-deux en particulier revient étonnamment souvent.
Malgré son aversion pour cet homme, Meredith eut envie d’en savoir plus, et elle ne réussit pas à cacher son intérêt.
— Sous quelle forme ? s’enquit-elle.
— Le bénitier à l’entrée, la statue du démon Asmodée. Vous avez dû la voir ? répondit Julian avec un fin sourire.
Meredith confirma d’un petit hochement de tête.
— D’après la légende, Asmodée était l’un des gardiens du Temple de Salomon. Or le Temple fut détruit en 598 av. J.-C. Si l’on ajoute chaque chiffre au suivant, cinq plus neuf plus huit, cela donne vingt-deux. Vous devez
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