Serge Fiori : s'enlever du chemin
entier enregistrent
leurs bandes musicales là-bas.
Grimaux se fait un plaisir de les recevoir et de leur trou
ver un appartement. Ils ne disposent pas d’un gros budget, mais Normand et Serge s’en soucient peu et proposent
même de diminuer leur propre salaire pour réinvestir ces
sommes dans la trame musicale. Louis Valois et Marie-Claire font aussi partie du voyage. Ils profiteront de leur
présence là-bas pour faire avancer le dossier du documentaire, qui est toujours en chantier à ce moment-là, et
prendre des décisions concernant les Productions Harmonium.
Fiori se défonce jusqu’à tard dans la nuit : Louis et Ma
rie-Claire en sont découragés. Lorsqu’il doit se présenter
au studio à neuf heures le matin pour l’enregistrement
de l’orchestre, Serge a à peine dormi. Normand dirige la
chorale et Fiori est assis à la console de son. Il travaille en
compagnie d’un vieux Tchèque qui ne supporte pas les décibels et met le volume au minimum dans la régie ; Serge
n’entend rien et doit s’obstiner avec le vieil homme, mais
celui-ci s’entête à garder le son à un niveau extrêmement
bas. Fiori se moque de l’absurdité de la situation et la tourne en dérision : malgré tout, il a un plaisir fou à travailler.
Durant leur voyage à Prague, un grand spectacle se pré
pare au Centre de la nature à Laval. Gregory Charles relève
le défi de présenter Harmonium / l’heptade avec l’Orchestre
symphonique de Laval. Le vingt-trois juin 2008, pour célébrer la Saint-Jean-Baptiste, cent trente-cinq mille spectateurs sont au rendez-vous : j’étais parmi eux. Le spectacle
est enivrant et le public se laisse envoûter par la musique :
même les musiciens de l’orchestre confient à leur chef
qu’ils viennent de vivre le concert de leur vie. À la fin du
spectacle, Gregory Charles entame d’anciennes chansons
d’Harmonium, dont Un musicien parmi tant d’autres. Je
me retourne pour regarder la foule derrière moi et je suis
soulevée par ce que je vois : des familles entières, des petits enfants aux grands-parents, se tiennent par la taille et
chantent tous ensemble ces paroles bien connues : « Où
est allé tout ce monde… »
Émue aux larmes, je saisis mon cellulaire et compose le
numéro de Serge. Je sais qu’il est cinq heures du matin à
Prague, mais il faut que mon ami entende ça. Je le réveille
et je lui fais écouter ces cent trente-cinq mille personnes
qui chantent sa chanson. Serge pleure au téléphone. On
ne se dit rien, on ne fait que pleurer ensemble. J’ai envie de
dire à tout le monde que j’ai Serge au bout du fil, mais ce
moment magique, nous ne le vivons que tous les deux.
Une fois les orchestrations achevées, tout le monde rentre à Montréal pour le mixage final. Fiori installe les pistes
dans son studio ; Normand le regarde, étonné : « C’est toi
qui mixes ? » « Ben, oui. » À son tour, Serge se montre surpris, il ne comprend pas l’étonnement de Normand. Pour
lui, cela va de soi. Ce qu’il n’a jamais avoué à Normand,
c’est que pour la plupart des pistes, il ne s’est pas servi de
l’orchestre, mais il a utilisé uniquement les claviers de celui-ci. « Le jeu de Normand sortait plus gros que tout l’orchestre, alors j’ai coupé l’orchestre ! »
Le son final est plus que satisfaisant. Au studio de montage, ils savent que la musique sera coupée, remontée et
réduite. Serge et Normand ont été tellement complices,
dans cette aventure, qu’ils devinent que la frustration sera
au rendez-vous, de telle sorte que Corbeil se désintéresse
du montage et se présente de moins en moins aux séances
de travail.
« Notre musique était tellement forte, la réduire nous
faisait mal. En fait, c’est notre expérience qui avait été forte
et c’est elle que nous avions peur de voir réduite. Même si
on sait que c’est correct, que ça fait partie de la job, il n’en
demeure pas moins que nous étions déprimés de passer
par ce processus. En quelque sorte, je crois que ça nous a
un peu “abîmés” », commente Serge.
Le film remporte à la fois un Jutra et un Félix pour la
meilleure musique de film cette année-là. Fiori est particulièrement touché de recevoir un Jutra ; la musique de
film, ce n’est pas son élément à lui. Il se sent reconnu par
cet hommage. Il est invité à plusieurs reprises par l’ADISQ
qui veut
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