Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
cette grande ville. Je n’avais qu’un seul contact dans la police : le commissaire Arnassan. L’ancien chef des RG de Philippeville venait en effet d’être nommé à Alger. Lui saurait me recommander à ses collègues.
Je réfléchis rapidement à ceux qui pourraient m' aider en dehors de la police. Le chef de la sécurité militaire, sans doute, et aussi le correspondant des services spéciaux.
J’étais toujours en contact avec les réservistes du Service et plus d’une fois nous nous étions aidés mutuellement. J’avais même rencontré Morlanne à Alger, en compagnie du colonel Germain 51 , un des agents qu'il venait d’y installer. D’ailleurs, les gens de la « crémerie » grenouillaient désormais du côté d’Alger, depuis que le général Lorillot avait poussé un coup de gueule parce qu’il ne comprenait pas que les services spéciaux ne soient pas engagés en Algérie.
On avait délégué le 11 e Choc sous forme d’un groupement de choc placé sous les ordres du colonel Decorse que je connaissais bien pour avoir travaillé avec lui en Indochine. La plupart des cadres de ce groupement étaient d’ailleurs passés par le centre d’instruction des chargés de mission que j’avais dirigé. Mais le 1 I e Choc n’intervenait que ponctuellement, pour fabriquer des valises piégées destinées aux fellaghas ou pour encadrer des éléments du MNA, le mouvement nationaliste algérien créé par Messali Hadj dont le FLN n’aura de cesse de liquider les derniers fidèles.
Morlanne avait également tenté de mettre en place un Service Action Méditerranée à partir de Tanger, animé par le truand Jo Attia, ancien lieutenant de Pierrot le Fou dans le gang des tractions. Mais Jo Attia, dont l’officier traitant était Bob Maloubier, n’avait pas été très convaincant. Les quelques missions dont il avait été chargé, principalement au Maroc, avaient échoué et plus tard, l’affaire se termina par un scandaleux fiasco 52 .
En tout cas, sans même en prendre vraiment conscience, j’étais devenu l’homme des services spéciaux de la bataille d’Alger.
La préfecture
Massu me donna un adjoint sympathique et débrouillard, le lieutenant Gérard Garcet. Cet officier était jusque-là son aide de camp, mais il venait de tomber en disgrâce à cause d’une histoire de crevettes avariées oubliées dans un réfrigérateur.
Quelques jours plus tôt en effet, Massu, qui revenait d’Égypte, avait voulu se détendre en allant à la pêche. Il avait expédié son aide de camp chercher des crevettes pour préparer les appâts. Pendant que Garcet était parti s’acquitter de cette corvée, Massu avait été appelé par le général Salan qui lui avait annoncé sa nouvelle mission et l’avait envoyé chez le ministre résidant Lacoste. À son retour chez Massu, l’aide de camp, qui avait eu le plus grand mal à se procurer ses appâts et qui se réjouissait de partir à la pêche, trouva la maison vide. Force était de constater que le général avait disparu et que la partie de pêche était annulée sans qu’on ait pris la peine de le prévenir de quoi que ce soit. Dégoûté, Garcet se débarrassa des appâts en les camouflant au fond du réfrigérateur. Comme on s’en doute, jour après jour, les repas de la famille Massu prirent un goût de plus en plus bizarre. Jacques Massu avait le palais et le nez beaucoup plus exercés que son épouse.
— Mais enfin, Suzanne, vous ne trouvez pas que cette viande a un goût étrange ? Les légumes aussi, d’ailleurs.
— Jacques, vous êtes vraiment très difficile. Vous avez peut-être peur qu’on vous empoisonne ?
Le général, n’en pouvant plus, s’était précipité à la cuisine et, au flair, avait fini par se rapprocher du réfrigérateur, découvrant ainsi le forfait de l’aide de camp félon.
Garcet avait reçu un formidable savon et s’était vengé en subtilisant une caisse d’excellent scotch qu’il avait rapportée d’Égypte pour ce patron « ingrat » mais vénéré. Du coup, la caisse se retrouva dans notre bureau et, les nuits les plus dures, elle nous servit à tenir le coup.
Il fallait que je commence des visites protocolaires. Certaines devaient être faites avec Massu.
La première nous conduisit chez le préfet de région Serge Baret, qui se montra aimable et coopératif.
Puis, nous sommes allés chez le secrétaire général de la préfecture, Paul Teitgen, auquel revenaient depuis quatre mois
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