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Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Aussaresses
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je tolérais ce grain de folie. Il se peut même que je l’aie encouragé. Voilà sans doute pourquoi on m’a toujours considéré comme un original. Pour les plus bornés, je n’étais qu’un intellectuel, c’est-à-dire un pédéraste, un communiste et un antimilitariste.
    Je n’ai pas pu dire non à Massu. Ou j’acceptais ou je quittais l’armée. Quitter l’armée, , c’était quitter les services spéciaux ; c’était renoncer a un idéal, c était trahir. Alors, je suis monté dans ma Jeep et, a contrecœur, je suis parti pour Alger.

La mission
    Trinquier et moi, nous avons donc été nommés presque en même temps. Massu nous avait choisis pour notre esprit militaire sans faille et notre respect absolu de la discipline, ce qui était paradoxal parce que nous étions l ’ un et l’autre aussi peu conformistes qu’il était possible et faisions montre d’une très grande indépendance d’esprit. Mais Massu savait que nous ne le trahirions pas. C’était le plus important et il avait raison. Par ailleurs, Trinquier et moi nous nous sommes toujours parfaitement bien entendus.
    Je me suis présenté devant Massu le 8 janvier, la mort dans l’âme. Je me demandais vraiment ce qui m’arrivait. De toute évidence, ma carrière militaire était fichue, mais je m’étais résigné.
    Massu avait cinquante ans. Il en imposait par sa haute stature et par une personnalité hors du commun. C’était un très grand capitaine. Il le savait et pouvait se permettre d’être désinvolte.
    À sa sortie de Saint-Cyr, il avait été affecté au Maroc où il avait participé à la guerre du Rif, dans les combats du djebel Sarho. Puis il avait fait la campagne de France avec la division Leclerc. En Indochine, il avait été amené à reprendre Hanoi, le 19 décembre 1946, avec une telle énergie qu’il avait été rappelé en métropole à la demande de Bao Daï. Il avait fait nettoyer la ville au mortier et, que je sache, il n’y avait pas eu de prisonniers.
    Massu était énergique et sans complaisance. Lorsqu’il a repris la 10 e DP, on pouvait se douter qu’il saurait utiliser la manière forte si cela s’avérait nécessaire.
    Nos rapports devaient être courtois mais nous ne fûmes jamais intimes. Nous aurions pu l’être davantage si je lui avais dit que son épouse m’avait rencontré lorsque j’étais tout enfant.
    Mon père, sous-préfet, sergent pendant la Première Guerre mondiale, avait en effet eu sous ses ordres un soldat du nom d’Henri Torrès qui s’était mis en tête de casser la figure à son lieutenant. Le sergent l’en avait amicalement dissuadé. Quelque temps après, Torrès avait perdu son père. François Aussaresses lui avait donné une permission et lui avait même avancé de l’argent pour se rendre aux obsèques.
    Le sergent et le poilu s’étaient ensuite retrouvés à Paris. Mon père était devenu chef de cabinet du ministre des PTT et Torrès un ténor du barreau.
    Ils ont recommencé à se voir. Un jour, Torrès est venu chez nous pour présenter sa future épouse, Suzanne Rosambert.
    Lorsque la guerre a été déclarée, Suzanne et Henri Torrès, qui étaient juifs, durent partir pour les États-Unis. Mme Torrès s’engagea bientôt dans les Forces françaises libres et devint commandant. À ce titre, elle s’occupa des femmes de la division Leclerc, celles qu’on appelait les Rochambelles. Elle, on l’appelait Toto. Après son divorce, elle rencontra Massu à Saigon. Maintenant, c’était la femme de mon patron.
    Une fois entré dans le bureau de Massu, comme je n ’ avais rien à perdre, je n’ai pas mâché mes mots :
    —  Mon général, je préfère vous dire que je n’étais pas volontaire pour ce poste. Pas du tout volontaire !
    —  Je le sais bien, mon vieux, fit-il avec un peut sourire. Ça prouve au moins que vous avez compris ce qu’on attend de vous et c’est mieux comme ça : nous allons gagner du temps et le temps presse. Sachez simplement que vous êtes l’homme de la situation. C’est pour ça que vous avez été choisi. Aujourd’hui, le FLN tient Alger et nous le fait savoir tous les jours. Il le fait savoir au monde entier. Non seulement le FLN tient Alger, mais ses principaux chefs y sont installés. Tout le monde le sait. Aujourd’hui, Aussaresses, nous allons les liquider, très vite et par tous les moyens : ordre du gouvernement. Puisque vous n’étiez pas volontaire, vous savez que ce n’est pas un travail d’enfant

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