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Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Aussaresses
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de chœur.
    Massu m’a fait monter dans sa 403. Nous avons traversé Alger à toute allure. C’était une ville magnifique et animée. Avec son agglomération, elle comptait presque un million d’habitants. La situation démographique y était exactement l’inverse de ce qu’elle était en Algérie, puisque les musulmans y étaient minoritaires par rapport aux pieds-noirs.
    Quand nous sommes arrivés à la préfecture, le général m’a montré un bureau qui venait d’être mis à ma disposition, tout près du sien. Pour me donner une couverture administrative, il a fait taper une note de service laconique et vague où il était simplement indiqué que le commandant Aussaresses était charge des relations entre le général Massu et les services de police et de justice. Cela voulait dire en clair que je devais avoir d’assez bonnes relations avec les policiers pour pouvoir les utiliser et faire en sorte que nous n’ayons jamais affaire à la Justice.
    Ensuite, il me prit à part et me dit à voix basse :
    —  Aussaresses, il faut tout de même que vous sachiez quelque chose que personne ne sait, à part vous et moi. Je viens de recevoir la visite des pieds-noirs les plus influents de la société algérienne et algéroise. Ce sont des gens très décidés. Ils m’ont dit qu ’ ils avaient l’intention de se substituer aux forces de l’ordre si elles continuaient à se montrer incapables de faire face a la situation. Ils veulent commencer par une action spectaculaire. Pour eux, l’axe géographique de l’organisation du FLN, c’est la Casbah. Ils n’ont pas tort. La Casbah est en pente. Au sommet, il y a une large avenue Ils projettent d’y rassembler un convoi de camions de combustible . Le camion de tête s’arretera et te convoi se resserrera. À ce moment, ils ouvriront les vannes des citernes. Quand le combustible aura inondé la Casbah, ils y mettront le feu. D’après les estimations que j’ai pu faire, il y aurait soixante-dix milte morts. Ceux qui m’ont dit ça ont les moyens de leur politique, croyez-moi. Cette résolution des pieds-noirs m’oblige à la plus grande fermeté, vous comprenez, Ils ne plaisantent pas. Ce sera très dur, Aussaresses, et nous devrons être impitoyables.
    Impitoyables, ça voulait dire torture et exécutions sommaires. Je baissai la tête, vaincu :
    —  Je comprends, mon général.
    —  Nous sommes menacés par une grève insurrectionnelle qui est prévue pour le lundi 28 janvier.
    —  Pourquoi cette date ?
    —  Parce que, le même jour, il y a une assemblée générale à l’ONU. Une délégation du FLN doit y assister pour essayer de provoquer un débat sur la question algérienne. Naturellement, la France va plaider l’incompétence de l’ONU. Mais cette grève insurrectionnelle est une manière de démontrer la représentativité du FLN.
    —  Et que dois-je faire ?
    —  Briser la grève. Vous avez moins de vingt jours.
    —  Et comment voulez-vous que je m’y prenne ?
    —  Procédez à des arrestations. Interpellez tous les meneurs.
    —  Mais comment savoir qui je dois arrêter ? Monter un réseau de renseignements, cela prend des mois !
    —  Servez-vous du fichier de la police.
    —  Quel service ?
    —  À vous de le découvrir. Tout ce que je sais, c’est que la police a un fichier secret et que ce fichier vous sera utile dans votre mission.
    —  Et vous croyez qu’ils seront disposés à me le confier ?
    —  Débrouillez-vous, c’est votre travail maintenant.
    En évoquant la perspective d’une nouvelle Saint-Barthélémy menée par les pieds-noirs, Massu avait vaincu mes dernières réticences et je pris le parti de l’aider de mon mieux, quelles qu’en soient les conséquences.
    J’allais sortir du bureau lorsqu’il me rappela :
    —  Ah oui, j’allais oublier : il existe un journal antimilitariste clandestin intitulé La Voix du soldat. Paris apprécierait que l’on découvre qui est à l’initiative de cette publication et Paris apprécierait également que ce torchon cesse de paraître. Définitivement. Vu ?
    —  Vu, mon général.
    Il ne m’avait pas parlé de la durée de cette mission. Mon affectation était un détachement, une situation provisoire qui ne devait pas excéder six mois. Je pensais que tout serait réglé bien avant. C’était une affaire de quelques semaines, tout au plus.
    La toile que j’avais patiemment tissée à Philippeville ne me servait plus à rien dans

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