Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
d’Hanoi, en 1946.
Le jour même, je me rendis chez le commissaire Arnassan qui me confirma l’existence du mystérieux fichier dont m’avait parlé le général. Il comprenait près de deux mille noms de responsables du FLN pour Alger et l’Algérois. Les RG l’avaient constitué avec les moyens dont ils disposaient, ce qui empêchait son exploitation. Arnassan mit aimablement les fiches à ma disposition, afin que je les fasse aussitôt recopier par les officiers de l’état-major préfectoral. C’était un outil indispensable pour commencer à travailler. Au fur et à mesure des arrestations et des interrogatoires, ce fichier s’est complété. Arnassan me recommanda, par ailleurs, auprès de tous ses collègues, et notamment auprès du commissaire Parat qui dirigeait la PJ.
Je repris mes visites, avec le même zèle que celui de mon arrivée à Philippeville, deux ans auparavant. Beaucoup de mes interlocuteurs profitaient de mon passage pour s’enquérir de l’importance récite de Massu. Car la position du général-superpréfet était ambiguë et ses fonctions, inhabituelles, gardaient une part de mystère.
— Mais à quel niveau exactement situez-vous votre général ?
— Au plus haut.
— Oui, mais encore ? Quel serait, selon vous, le niveau immédiatement supérieur au sien ?
— Le gouvernement.
— Le gouvernement général ?
— Non. Le gouvernement de la République française 58 .
C’était la stricte vérité. De ce fait, les fonctions de police que Massu m’avait déléguées revêtaient une importance considérable.
Beaucoup de notables pieds-noirs me contactèrent. Ce « plus haut niveau » où nous étions maintenant les impressionnait et ils savaient que le PC de mon régiment à Chebli était installé dans une villa appartenant à Robert Martel, le plus influent d’entre eux. Martel lui-même vint me voir et il m’aida beaucoup.
Mais je ne me contentai pas de côtoyer l’establishment algérois. Je gardai mes habitudes de Philippeville et me fis connaître auprès des commerçants, en particulier auprès des patrons de bistrot. Ce n’était pas la besogne la plus désagréable et elle me fut d’une grande utilité. Je voyais beaucoup Pietri, qui dirigeait L’Ile-de-beauté, juste en face de la préfecture. Son voisin, le coiffeur, fut aussi un précieux auxiliaire, tout comme Guillaume l’Italien, un ancien légionnaire qui portait toujours une cravate verte et qui régnait sur le Cintra, le bar sélect de l’hôtel Aletti.
Le couvre-feu décidé par Massu fut rapidement mis en place. Les patrouilles exécutèrent les ordres et tirèrent sur tout ce qui bougeait. On laissa les morts sur place. On n’avait pas le temps de s’en occuper et il fallait qu’on les voie bien. Pour être crédibles, les parachutistes devaient en effet se montrer plus redoutables que le FLN.
Des exécutions sommaires ainsi pratiquées dans les rues d’Alger prouvaient la détermination du gouvernement dont nous étions le bras armé. Elles frappèrent tant les esprits que, le lendemain, les dénonciations commencèrent à affluer.
Les quatre régiments se montrèrent actifs dès les premières nuits. Durant celle du 15 au 16 janvier 1957, par exemple, ils ratissèrent la Casbah et plusieurs milliers de suspects furent interpellés. En plein jour, patrouilles et sentinelles protégeaient les points sensibles 59 .
Quand le 1 er RCP entra à Alger, l’administration militaire me logea chez l’habitant, dans une maison très modeste. Le colonel Mayer et son épouse s’étaient installés dans une spacieuse demeure du quartier chic d’Alger, près de la villa Sésini 60 . Comme nous vivions seuls, ils proposèrent de nous héberger, Faulques et moi. Cette cohabitation de trois hommes et d’une femme fit jaser. Un capitaine du 1 er REP, qui était visiblement amoureux de Monette Mayer, me fit un jour, à ce sujet, une scène risible et tout à fait injustifiée. En réalité, je passais très peu de temps dans la villa des Mayer. Dans la journée, il m’arrivait juste d’aller m’y reposer.
Garcet et moi devions organiser notre logistique. Je rendis donc visite à Godard pour obtenir une voiture. Il se fit un plaisir de me répondre que je n’avais qu’à en demander une à mon régiment.
Une Jeep avec un chauffeur me fut donc fournie par le 1 er RCP. Plus tard, mon lieutenant récupéra une luxueuse conduite intérieure « héritée » d’un fellagha
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