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Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Aussaresses
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escaliers de la station de métro Rue-de-la-Pompe, il s’était trouvé face à un homme qui avait soudain brandi une mitraillette et ouvert le feu. Damon était tombé à la renverse dans l’escalier, s’était replié dans la station et avait bondi dans une rame de métro providentielle. Mais les tueurs de Staline le talonnaient. Après une partie de cache-cache dans les couloirs et une poursuite dans les rames, il avait réussi à alerter son épouse d’une cabine téléphonique, en utilisant un code convenu entre eux :
    —  J’ai sali mon costume gris. Apporte-moi vite mon costume bleu.
    Le Service avait décidé qu’il était de l’intérêt de tout le monde que Damon, même avec un nouveau costume, change d’air. C’est ainsi qu’il s’était retrouvé en Algérie.
    Henri Damon avait troqué les complets vestons pour une tenue de capitaine de tirailleurs sur laquelle il avait fièrement accroché son insigne de parachutiste. Il avait été affecté à l’un de ces organismes bidons qui pullulaient à Alger. Le sien était dirigé par un colonel de la Légion.
    Dès les premiers jours de la bataille, une musulmane était passée à son bureau pour dénoncer son artificier de mari. En fait, elle voulait s’en débarrasser et elle avait posé ses conditions : elle échangerait ses informations contre une garantie de veuvage. Damon avait protesté, puis il m’avait rendu visite à la préfecture. J’avais accepté le marché. L’opération fut menée avec le régiment de Bigeard, responsable du secteur.
    Damon obtint bientôt un second renseignement, qui lui parvint d’une manière plus saugrenue. Le bureau auquel il était affecté utilisait, pour porter le courrier, un soldat légionnaire aussi fumiste que dévoué. Pour faire sa tournée, le garçon prenait la Jeep et s’absentait souvent plusieurs heures durant, sous prétexte d’embouteillages ou de pannes. Comme il avait la confiance du colonel, tout se passait bien.
    Un jour, le légionnaire fit irruption dans le bureau de Damon, l’air bouleversé :
    —  Mon capitaine, il faut que vous me foutiez en taule.
    —  Et pourquoi donc ?
    —  Parce que, lorsque je vous dis que je suis retardé par des embouteillages ou par des pannes, ce sont des mensonges. En fait, je passe mon temps dans un bordel.
    —  C’est pour ça que vous voulez aller en taule ? fit Damon, amusé.
    —  Non, mais le bordel ça coûte de l’argent. Comme je suis un bon client, la maquerelle m’a dit un jour que je n’avais pas l’air très riche et qu’elle pourrait m’échanger des passes contre des grenades. Et j’ai accepté. C’est pour ça que je voudrais que vous me foutiez en taule et que vous coinciez aussi cette salope.
    Damon réfléchit un instant.
    —  Bon. On verra plus tard, fit-il tranquillement.
    Pour le moment, tu vas fermer ta gueule sur cette histoire et tu feras exactement ce que je te dirai.
    —  Et le bordel ?
    —  Tu vas continuer à y aller, comme si de rien n’était.
    —  Quoi ? Et les grenades ?
    —  Tu vas continuer à en donner à ta taulière. D’ailleurs, demain je t’en fournirai une bonne provision. De quoi tirer pas mal de coups. Et pas un mot au colonel. Compris ?
    —  À vos ordres, mon capitaine ! fit le légionnaire en se mettant au garde-à-vous, aussi reconnaissant qu’abasourdi.
    Damon était très astucieux et il n’avait rien oublié de son entraînement britannique. Il décida, cette fois, d’exploiter le renseignement lui-même, sans prendre la peine de nous déranger. Il se précipita à la direction du matériel et demanda à s’entretenir avec le colonel qui dirigeait le service des munitions. Il lui expliqua la situation et lui demanda, sous le sceau du secret, de lui fournir des grenades.
    Avec l’aide d’un adjudant-chef armurier, réquisitionné par le colonel, Damon démonta les grenades et neutralisa discrètement le dispositif qui retarde l’explosion, une fois la grenade dégoupillée et la cuiller lâchée. Il remonta les grenades après avoir dissimulé le stratagème sous une fine couche de peinture. Le FLN connaissait bien nos grenades offensives et, pour tromper ses spécialistes, il fallait vraiment être un expert. Il ne s’agissait pas de couper grossièrement l’allumeur, ce qui aurait tout de suite été remarqué. Damon n’était pas un débutant. Il avait bien fait les choses. Il avait même fait du zèle en charognant aussi quelques boîtes de

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