Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
certitude qu’il s’agissait du cadre FLN venu passer les consignes.
De tels suspects étaient emmenés pour être interrogés.
Dans l’ensemble, on peut dire que la grève insurrectionnelle fut un échec total.
Villa des Tourelles
La bataille d’Alger s’est déroulée la nuit. Et la nuit d ’ Alger en était l’enjeu. Il fallait la reprendre au FLN.
Il n’était pas difficile de deviner que la face nocturne et secrète de ma mission m’amenait à organiser les arrestations, à trier les suspects, à superviser les interrogatoires et les exécutions sommaires.
Même si cela n’était pas dit explicitement, les plus perspicaces comprirent vite que mon rôle était par ailleurs de soulager les régiments des corvées les plus désagréables et de couvrir celles qu’ils accomplissaient eux-mêmes. S’il y avait eu le moindre problème, on m’aurait tout mis sur le dos. Les OR le savaient et je le savais aussi.
Parmi les gens que je voyais tous les jours, il n’y a que Paul Teitgen qui n’ait jamais rien compris, comportement surprenant parce qu’il ne semblait pas sot, et parce que ses supérieurs comme ses collègues de la préfectorale étaient au courant.
Très vite, Garcet nous avait trouvé un local discret à Mustapha, dans la périphérie d’Alger, une grande villa de deux étages sur cave entourée d’un jardin à l’abandon. Il y avait quatre pièces par étage. Le nom de cette villa était prédestiné : la villa des Tourelles, du même nom que la caserne parisienne qui abritait le SDECE 70 . L’endroit où elle se trouvait avait l’avantage d’être isolé. Il n’y avait pas de voisins pour nous gêner. C’est là que se pratiquèrent les interrogatoires des prisonniers qui nous revenaient.
Dans la journée, nous étions au bureau de la préfecture, mais après, nous filions aux Tourelles.
Là, avant que le soleil ne se couche, je travaillais à la synthèse des renseignements fournis par les régiments et, le cas échéant, j’arbitrais les problèmes de compétence territoriale.
Puis, avec Garcet, nous commencions à préparer les opérations qui nous revenaient. Elles ne nécessitaient jamais la mise en place de moyens trop importants, car, dans ce cas, c’était aux régiments de s’en occuper.
Le principal était d’évaluer les risques de ces opérations. Si elles ne me paraissaient pas dangereuses, je donnais mes instructions au lieutenant Garcet qui s’en chargeait avec mon premier groupe, voire avec un seul homme.
Un Algérien, par exemple, s’était rendu à la préfecture. C’était Garcet qui l’avait reçu. Cet homme était marié avec une Française qui l’avait quitté pour un sympathisant du FLN, un dandy qui travaillait avec des poseurs de bombes.
La nuit suivante, deux de mes hommes se présentèrent à l’adresse indiquée. Quand on vit l’un d’eux revenir à la villa, habillé avec un costume neuf de don Juan, légèrement étriqué parce qu’il avait une sacrée carrure, nous comprimes que l’opération avait eu lieu. Ils avaient effectivement trouvé le suspect, qui possédait une superbe garde-robe. Comme il avait tout avoué séance tenante, ils avaient jugé inutile de s’encombrer en le ramenant à la villa.
Au coucher du soleil, nous enfilions nos tenues léopard et la cavalcade commençait. Notre équipe sortait vers 20 heures et nous nous arrangions pour être de retour avant minuit avec nos suspects pour procéder aux interrogatoires.
Au cours de la nuit, les régiments m’informaient de leurs arrestations et m’attendaient souvent pour décider de ce qu’il fallait faire des prisonniers.
Pour tous les suspects arrêtés à Alger, c’était moi, en principe, qui décidais de ceux qui devaient être interrogés séance tenante et de ceux qui devaient être conduits directement dans les camps lorsqu’ils n’avaient pas une importance majeure.
Tel était le cas des gens dont le lien présumé avec le FLN, de toute évidence, était ténu ou qui avaient été recrutés par la force. Ceux-là représentaient, fort heureusement, une large partie des suspects appréhendés.
Les autres, dont la nocivité était certaine, ou du moins hautement probable, nous les gardions, avec l’idée de les faire parler rapidement avant de nous en débarrasser.
Tantôt je courais d’un PC à l’autre, tantôt j’allais avec l’un de mes deux groupes procéder à des arrestations quand l’opération me semblait délicate ou
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