Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
Kovacs voulait assassiner Salan au fusil-mitrailleur 24-29. Castille lui avait démontré que c’était absurde et qu’il valait mieux se servir d’un système dérivé du Panzerfaust qu’il connaissait bien. Voilà pourquoi Castille, aidé de deux ouvriers de l’arsenal, avait fabriqué l’engin.
Castille avait soigneusement préparé l’attentat. Ayant loué une chambre dans la maison qui se trouvait en face de l’hôtel particulier qui servait de PC à Salan, il avait longtemps observé les faits et gestes du général. L’opération avait été décidée alors que Salan venait inopinément de quitter son bureau pour se rendre chez Lacoste. Comme il avait emprunté un passage souterrain, Castille, ne le voyant pas sortir, avait cru qu’il était toujours dans le bâtiment.
Lorsque le commandant Rodier, le chef de cabinet de Salan, s’était assis dans le bureau de son patron pour recevoir un colonel, Castille avait pensé que le général était de retour et il avait déclenché le tir des deux engins. Un projectile était passé par-dessus la tète du colonel qui était assis face au bureau et le noyau avait transpercé Rodier, pour venir terminer sa course aux pieds d’un aide de camp. C’est ainsi que le commandant Rodier avait perdu la vie pour avoir commis l’erreur de s’asseoir dans le fauteuil de son chef.
Castille a eu la délicatesse de ne jamais parler ni de moi ni de son passage au 11 e Choc durant son procès, en 1958. Son avocat lui conseilla de charger Kovacs, qui s’était sauvé en Espagne et que je ne connaissais pas, mais ce n’était pas le genre de Castille qui préféra écoper de douze ans de prison 68 .
La grève
Dès notre premier entretien, le 8 janvier 1957, on s’en souvient, Massu m’avait demandé de m’occuper de briser la grève insurrectionnelle, qui avait été annoncée pour le 28 janvier par des tracts signés Ben M’Hidi.
Pendant trois semaines, en exploitant le fichier fourni par les renseignements généraux, je n’avais pas chômé. Le camp de Beni-Messous était rempli d’environ mille cinq cents prisonniers et le reste avait été expédié vers des camps annexes. Beaucoup de suspects avaient été interrogés. Il s’agissait surtout de personnes impliquées dans les actions sanglantes qui continuaient à être très dures. Ainsi, le samedi 26 janvier, trois bombes avaient éclaté à la même heure dans des bistrots de la rue Michelet, à l’Otomatic, à la Cafétéria et au Coq-Hardi. Celle du Coq-Hardi fut la plus meurtrière : quatre femmes tuées, et trente-sept blessés.
Nous avions mis la main sur beaucoup de poseurs de bombes ainsi que sur leurs auxiliaires, mais aucun responsable de la grève insurrectionnelle n’avait été arrêté.
D’ailleurs, je n’avais pas voulu montrer trop tôt que nous étions préoccupés par cette grève, soucieux de la briser et en mesure de le faire. De sorte que le FLN ne s’attendait pas à une réaction de l’armée.
Je savais que la rébellion était capable de paralyser les services publics et ma préoccupation principale était de tout faire pour en garantir le fonctionnement. À l’époque de la bataille d’Alger, le FLN disposait d’appuis tels qu’aucun secteur n’était a priori hors de sa portée. Il était difficile, de ce fait, de se fier au courrier ou au téléphone.
Dans la nuit du 27 au 28 janvier 1957, j’avais fait le tour des régiments pour vérifier qu’ils étaient prêts à agir. J’avais chargé chaque unité de préserver la bonne marche d’un service public (eau, gaz, électricité, postes, trolleys, etc.) et le moindre employé figurait sur la liste que chaque service du personnel nous avait communiquée. Ces listes étaient systématiquement comparées aux listes de suspects que notre fichier et les interrogatoires nous avaient permis d’établir.
Au petit matin, les parachutistes se mirent en place dans tous les endroits où travaillaient des personnes impliquées dans le fonctionnement d’un service public. Ils vérifièrent méthodiquement qui était à son poste et qui n’y était pas. Puis ils se rendirent en toute hâte au domicile des grévistes et les conduisirent rapidement et sans ménagements, comme on s’en doute, sur leur lieu de travail. Grâce à une méthode aussi drastique, les services publics se remirent en route très tôt dans la matinée. La préparation de cette opération et son exécution, dans une agglomération de plus de
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