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Sir Nigel

Sir Nigel

Titel: Sir Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arthur Conan Doyle
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Attention ! serre-moi de près. Si
nous la suivons, nous serons bientôt à un jet de pierre de la
maison du roi.
    Ils rampèrent tous les deux dans la tranchée.
Soudain Simon empoigna le bras d’Aylward et le tira dans l’ombre
contre le remblai. Ils s’accroupirent dans le noir et entendirent
des bruits de pas et des voix de l’autre côté du fossé. Deux hommes
déambulaient tranquillement, qui s’arrêtèrent presque à hauteur de
la cachette des deux soldats. Aylward vit leurs silhouettes se
profiler contre le ciel étoilé.
    – Pourquoi grognes-tu, Jacques ? dit
l’un d’eux dans une langue qui alternait des mots français et
anglais. Le diable emporte les grognons ! Tu as gagné une
femme et je n’ai rien gagné. Que voudrais-tu avoir de
plus ?
    – Tu auras ta chance avec un autre
bateau, mon garçon, mais la mienne est passée, une femme, c’est
vrai ! Une vieille paysanne venue tout droit des champs, avec
un visage aussi jaune qu’une serre de milan. Mais Gaston, qui a
tiré un neuf contre mon huit, a eu la plus jolie petite Normande
que j’aie jamais vue ! Quant à ma femme, je te la vends
volontiers contre un tonnelet de Gascogne !
    – Je n’ai pas de vin en réserve, mais je
te donnerai un cageot de pommes, répondit l’autre. Je l’ai tiré du
Peter and Paul
, le bateau de Falmouth qui a mouillé dans
la baie Creuse.
    – Tes pommes ne se conserveront sans
doute pas longtemps, mais la vieille Marie guère davantage :
ainsi, nous serons quittes. Viens boire un coup pour sceller le
marché !
    Ils se remirent en route dans l’obscurité.
    – As-tu entendu ces brigands ?
s’écria Aylward qui soufflait de rage. Les as-tu entendus,
Simon ? Une femme contre un cageot de pommes ! Et j’ai le
cœur lourd quand je pense à l’autre, la Normande. Il faudra que
nous abordions demain, et que nous mettions le feu à ce nid pour en
chasser tous ces rats d’eau !
    – Sir Robert ne gaspillera ni du temps ni
des forces avant d’avoir atteint l’Angleterre.
    – Je suis bien sûr que, si mon petit
seigneur messire Loring avait la direction des opérations, toutes
les femmes de cette île auraient retrouvé la liberté avant demain
soir !
    – Cela ne m’étonnerait pas, dit Simon. Il
fait de la femme une idole, à la manière de ces chevaliers errants
sans cervelle. Mais Sir Robert est un vrai soldat et il garde
toujours les yeux fixés sur le but qu’il s’est assigné.
    – Simon, dit Aylward, la lumière n’est
pas fameuse, et nous serions à l’étroit pour un assaut à l’épée.
Mais si tu veux passer sur un terrain dégagé, je te montrerai si
mon maître n’est pas un vrai soldat.
    – Tut, l’ami ! Ne fais pas
l’idiot ! Nous avons un travail en vue, et tu trouves le moyen
de te fâcher contre moi en cours de route ! Je ne dis rien
contre ton maître, sinon qu’il partage les manières de ses
compagnons, des rêveurs et des fantaisistes. Knolles ne regarde ni
à droite ni à gauche : il marche droit devant lui. Maintenant,
allons-y, car le temps presse !
    – Simon, tes paroles ne sont ni bonnes ni
justes. Quand nous serons de retour sur le bateau, nous reparlerons
de cette affaire. Pour l’instant passe devant, et montre-moi un peu
plus de cette île diabolique.
    Pendant un demi-mille, Simon avança jusqu’à ce
que se dresse devant eux une grande maison isolée. En l’examinant
par-dessus le remblai de la tranchée, Aylward s’aperçut qu’elle
était construite avec les épaves de plusieurs bateaux : à
chaque angle une proue faisait saillie. Il y avait de la lumière à
l’intérieur. Une grosse voix entonna une chanson gaie dont le
refrain fut repris en chœur par une douzaine d’hommes.
    – Tout va bien, mon enfant !
chuchota Simon ravi. J’ai reconnu la voix du roi. C’est la chanson
qu’il affectionne : « Les deux filles de saint
Pierre ». Je jure Dieu que depuis que je l’entends, mon dos me
chatouille. Nous allons attendre ici que la compagnie ait pris
congé.
    Ils demeurèrent une couple d’heures tapis au
fond de la tranchée. Ils écoutèrent les chants bruyants des
fêtards ; certains étaient des Anglais, d’autres des
Français ; tous hurlaient de plus en plus fort et d’une voix
de plus en plus pâteuse au fur et à mesure que la nuit s’écoulait.
À un moment donné, une dispute éclata ; les vociférations qui
surgirent alors ressemblaient à des rugissements de fauves en cage
à l’heure du repas.

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