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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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le voir, mais aussi à Hyères où Jules Romains et sa première femme, Gabrielle, ont une maison dans le vieux quartier du port –, en Allemagne, en Autriche, à Berlin, à Vienne et à Salzbourg, partout où les appelle leur soif insatiable de connaissances et de rencontres. C’est le théâtre qui, curieusement, va resserrer leurs liens. En novembre 1925, Stefan Zweig, lisant l ’Histoire de la littérature anglaise de Taine pour se documenter sur le théâtre élisabéthain (spécialité de son personnage, dans La Confusion des sentiments ), découvre Volpone de Ben Jonson. L’œuvre, touffue, baroque, compliquée mais très drôle, de ce contemporain de Shakespeare, au verbe étincelant et à l’esprit confus, l’intéresse : il a tout à coup envie non pas seulement de la traduire, ce qui est sa démarche habituelle quand il tombe amoureux d’un texte étranger, mais de l’adapter librement, en somme de la récrire. Et il va, en quelque huit jours, à Marseille, possédé par l’esprit de Volpone , rédiger une tout autre pièce, dont le découpage, les dialogues et même les personnages diffèrent de l’original. Zweig s’est plu à resserrer l’intrigue autour du héros éponyme, à renforcer les effets comiques et à gommer la morale qui envahissait la pièce élisabéthaine et l’alourdissait. Le thème demeure l’avidité : Volpone est un adorateur du veau d’or, prêt à tous les mensonges, à toutes les mystifications pour remplir sa bourse ; il réussit même à tromper des Vénitiens, aussi cupides mais moins malins que lui. Le comte Mosca est son rival. Le rideau tombe sur un ballet et un hymne à l’or, puissance triomphante. Lorsque Romains voit la pièce pour la première fois au Burgtheater de Vienne, il est ébloui. Zweig lui propose de traduire à son tour Volpone – librement comme il l’a fait lui-même de l’anglais – de l’allemand en français. Le chef-d’œuvre de Ben Jonson deviendrait une œuvre européenne ! De Salzbourg, le 10 janvier, il lui écrit pour lui raconter l’extraordinaire succès de ce Volpone , revu et remanié par ses soins, et sur le point d’être joué dans des dizaines de théâtres de langue allemande, de Berlin à Leningrad. « Transformé pour la France par vous, cela pourrait – fait en dix jours [le temps qu’il lui a fallu pour l’écrire] – remplir les théâtres deux ans. » Jules Romains vient de remporter un foudroyant succès théâtral avec Knock en 1923, Zweig lui prédit la gloire avec Volpone  ! Et c’est ce qui va arriver. D’abord réticent, Romains relit Ben Jonson, tombe d’accord avec l’adaptation de Zweig, qui va dans le sens de la légèreté et de la concision. Lui-même, travaillant sur le manuscrit allemand, va encore supprimer des passages, qu’il trouve languissants, un ou deux personnages encombrants, et enfin gommer ce qui restait de moralisme. Il donne à la pièce, après l’Anglais et l’Autrichien, un classicisme très français, un style aigu, tranchant qui en accentue les effets comiques. Son Volpone , joué à l’Atelier, en novembre 1928, remportera un triomphe – deux cent cinquante représentations. André Gide, dans son journal, en soupire de regrets : « Il est peu de pièces que j’aurais tant souhaité traduire… J’ai du moins la consolation de la voir parfaitement mise en valeur. La vraie tristesse eût été de la voir abîmée. »
     
    A l’affiche côte à côte, les noms de Romains et de Zweig scellent leur amitié. Le 4 décembre, Zweig qui a vu la pièce la veille, et non lors de la première du 28 novembre pour ne pas porter ombrage à l’écrivain français, lui écrit sa « gratitude encore une fois ». « Une collaboration entre auteurs, même entre amis, a généralement l’effet funeste de détruire leur amitié. Chez nous, heureusement, je sens la nôtre affermie, et il n’y avait pas un seul malentendu entre nous qui aurait pu diminuer la joie sur ce succès si complet. »
     
    Un léger nuage viendra altérer cette entente parfaite. Jules Romains, oubliant ce qu’il doit à Stefan Zweig, inclura Volpone dans ses Œuvres complètes . « Je suis réduit à un petit et quasi introuvable “en collaboration”, écrit Zweig à Romain Rolland, en mars 1929. C’est comme si je rangeais Le temps viendra [pièce de Rolland qu’il a traduite en allemand] dans mes œuvres dramatiques. » Mais Zweig n’a pas de rancune. L’amitié de Romains lui

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