Sur ordre royal
l’appeler.
Quand sa mère fut partie, Roslynn prit le petit vêtement auquel elle travaillait.
Ces temps-ci, la chambre montrait peu de signes qu’un homme l’avait un jour partagée avec elle. Le coffre de Madoc avait disparu avant son retour de Pontymwr, et elle ne s’était jamais aventurée à demander où il était et où dormait son époux. Comme son père était rentré à Briston, elle dormait avec sa mère dans le grand lit, garni des draps et des couvertures de dame Eloïse. Sur la table de toilette se trouvaient quelques-uns de ses rubans et de ses épingles à cheveux, mais aussi desaiguilles, du fil et des morceaux de galon destinés aux habits qu’elle cousait pour le bébé.
Madoc frappa un coup sec à la porte avant d’entrer. Comme toujours, il sembla emplir la pièce de sa présence, mais aussi, comme toujours depuis qu’elle était revenue de Pontymwr, un mur de pierre paraissait les séparer.
L’expression indéchiffrable, il vint vers elle et prit la petite robe, l’examinant au faible soleil d’hiver.
— C’est tout petit.
Roslynn croisa les mains sur son ventre.
— Je suis sûre que ce sera assez grand.
Il posa le vêtement et haussa un sourcil interrogateur.
— Votre mère m’a dit que vous vouliez me parler.
Roslynn inspira profondément. Ceci n’allait pas être facile, même si elle était sûre d’avoir raison à propos d’Ivor et avait les preuves pour l’affirmer.
— J’ai une mauvaise nouvelle, déclara-t-elle sans préambule. Ivor vous vole, Madoc. Sans doute depuis longtemps. Il feint de payer pour plus de marchandises que vous ne recevez et garde la différence.
Elle tendit la liste que sa mère et elle avaient établie au cours des derniers mois.
— Ce sont les occasions dont nous sommes certaines, quand ma mère ou moi avons pu voir les marchandises déchargées et les compter. Ensuite, j’ai comparé le nombre que nous avions inscrit à celui enregistré par Ivor et aux sommes qu’il disait avoir payées. Comme vous pouvez le voir, les différences sont nombreuses.
Madoc prit la liste et parcourut des yeux les colonnes de marchandises et de chiffres.
— Je sais que vous le tenez pour votre ami et quevous lui faites confiance, mais il vous dupe, insista Roslynn. En vous dupant, cet homme vole aussi notre enfant sur son futur héritage, ou sur sa dot si c’est une fille.
— Ivor ne me volerait pas, dit Madoc à voix basse, en fixant toujours la liste. Pas Ivor.
— Vous avez la preuve entre vos mains. Il y a trop de différences pour que ce soient de simples erreurs. C’est un procédé qu’il a peaufiné au fil des mois. Il fait probablement cela depuis des années.
Madoc leva les yeux et lui tendit la main.
— Que vous disiez vrai ou non, je vais m’en occuper sur-le-champ. Et puisque vous l’accusez, je pense que vous devriez venir avec moi.
Roslynn n’avait pas prévu cela ; néanmoins, elle n’avait pas peur de se confronter à l’intendant, parce qu’elle avait raison et le savait.
Elle prit la main de Madoc et la serra fort pour se mettre debout. C’était la première fois qu’ils se touchaient depuis qu’il l’avait portée dans cette chambre à son retour de Pontymwr, et comme auparavant, comme toujours, le contact de sa chair contre la sienne la réchauffa et la transporta.
Et l’emplit aussi de regret.
Allant lentement pour la ménager, Madoc la guida dans l’escalier qui descendait à la grand-salle, en passant devant sa mère qui attendait. Madoc ne dit rien à dame Eloïse, et Roslynn secoua légèrement la tête pour l’empêcher de poser des questions.
Lloyd, assis près de l’estrade, se leva avec entrain lorsqu’il les vit.
— Eh bien, les voilà qui se donnent la main ! commença-t-il d’un ton excité, pour se taire quand Madoc lui décocha un regard de censure.
« Pauvre homme », pensa Roslynn, ayant pitié de lui pour ses espoirs gâchés. Il ne pourrait y avoir d’heureuses retrouvailles pour Madoc et elle, ni maintenant ni jamais, surtout après qu’elle lui avait démontré qu’un homme à qui il se fiait comme à un frère l’avait trahi et volé. Même si elle n’en était pas responsable, une partie de la colère et du désarroi de Madoc s’attacherait toujours à elle, parce qu’elle était celle qui lui avait révélé les manigances d’Ivor.
Ils entrèrent dans la cuisine où, comme d’habitude, le cuisinier et les servantes s’activaient. Ils
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