Sur ordre royal
quelques moutons disparaissent, et que Madoc ou ses hommes reprennent le même nombre dans le troupeau de Trefor.
— Il me semble que toute querelle est une question sérieuse, déclara Roslynn, dont l’intérêt était piqué. Qui est ce Trefor ?
L’oncle de Madoc eut soudain l’air de souhaiter être ailleurs.
— C’est le frère de Madoc qui vole ses moutons, grommela-t-il. Néanmoins, Trefor a moins d’hommes et un domaine moins important, vous comprenez donc pourquoi Madoc le ménage et refuse de faire appliquer la loi. Sinon, Trefor serait pendu.
En cela, sire Madoc était très différent du roi, pensa Roslynn. John ne reculerait devant rien pour mettre la main sur les terres et les titres de ses frères.
— Mais ne nous occupons pas de Trefor maintenant, dit Lloyd. Venez avec moi aux cuisines, ma dame, et régalez-vous d’une pâtisserie. Hywel a le tour de main pour les réussir.
Comme elle n’avait rien d’autre à faire, Roslynn se leva docilement pour aller avec lui, même si les pâtisseries étaient la dernière chose qu’elle avait à l’esprit.
***
Madoc jura tandis qu’il galopait le long de la route accidentée qui gravissait la pente nord de la plus haute colline de son domaine.
Evidemment, Trefor choisissait ce moment pour le harceler ! Nul doute qu’il voulait embarrasser son frère devant ses hôtes normands. Peut-être Trefor avait-il appris le but de leur visite et considérait-il cela comme une raison de plus pour l’embêter.
Il aperçut alors un homme qui courait le long de la crête. Trefor en personne ! constata-t-il avec une bouffée de colère.
Il fit aussitôt volter son cheval pour le poursuivre, mais une fois au sommet de la colline, il découvrit que de la brume recouvrait la pente au-dessous comme un rideau blanc.
Furieux, Madoc se laissa glisser de sa selle. Son hongre noir renâcla et piétina le sol de ses sabots, aussi impatient que son maître de se lancer dans la poursuite. Hélas, il serait trop dangereux de chevaucher au galop à partir d’ici, ou même au trot. Il pouvait y avoir des trous et des éboulis cachés susceptibles de faire trébucher et tomber une monture.
— Du calme, Cigfran, du calme, murmura Madoc en passant la main sur la robuste encolure du cheval tandis que ses hommes les rattrapaient.
— Est-ce qu’on le poursuit, Madoc ? demanda Ioan quand les autres et lui arrivèrent au sommet et démontèrent.
— Non.
Essayer de poursuivre Trefor à pied serait aussi risquéqu’à dos de cheval, se dit Madoc. En outre, même si lui et la plupart de ses hommes avaient passé toute leur vie dans ces collines et pouvaient courir comme des chevreuils, son frère connaissait tout aussi bien les lieux et était aussi agile.
La brève réponse du seigneur provoqua au moins un grognement mécontent parmi ses hommes. Ioan, sans doute. Il était jeune et avide de se battre, parce qu’il était doué au combat. Ou peut-être Hugh-au-grand-bec, qui avait le plus grand nez de Llanpowell et était expert à l’épée et à l’arc.
— J’ai dit non, répéta Madoc. Il est allé se terrer comme un renard. On ne l’attrapera jamais.
— Madoc ! entendit-il alors.
Prenant la bride de Cigfran, il se dirigea vers la voix, laissant ses hommes frustrés derrière lui. Il trouva bientôt Emlyn, le plus ancien et le meilleur de ses bergers. L’homme à la barbe grise tenait un agneau dans ses bras comme si c’était un enfant, et à ses pieds gisait une forme blanche, plus grande, éclaboussée d’un rouge violent.
Une brebis morte et un agneau qui allait mourir de faim ou être la proie d’un renard, d’un loup, d’un aigle ou d’un faucon.
C’était un acte cruel, un acte qui ne ressemblait pas à Trefor.
— Un renard ? demanda-t-il au berger, même s’il connaissait déjà la réponse.
Un renard aurait tué l’agneau, aussi.
— Des hommes, à coup sûr, répondit Emlyn.
— C’est la seule brebis morte ?
— Non. Il y en a cinq autres — et le grand bélier noir a disparu.
Madoc laissa échapper une insulte galloise bien sentie tandis qu’il regardait au-delà de la crête les terres sur lesquelles s’étendait Pontymwr, le petit domaine de Trefor. Il avait compté sur ce bélier pour augmenter son troupeau. Et Trefor avait su reconnaître sa valeur, lui aussi. Pas étonnant qu’il l’ait pris, en butor vindicatif et éhonté qu’il était.
La raison de cette agressivité résidait
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