Sur ordre royal
prudente.
— Rien n’est jamais votre faute, n’est-ce pas, Madoc ? demanda-t-elle en se tournant vers lui. Vous avez toujours une excuse pour tout.
Il plissa les paupières.
— J’ai une explication , corrigea-t-il. Ou bien pensez-vous que Trefor dit la vérité et que je n’ai qu’une excuse pour posséder Llanpowell ?
— Je ne sais que penser, répondit-elle, s’efforçant en vain de contenir sa frustration. Vous assurez que vos actions se justifient, néanmoins lorsqu’il vous vole, vous agissez comme si vous vous sentiez coupable.
— Vous ne comprenez pas.
— Vous avez raison, je ne comprends pas, déclara-t-elle, ses émotions prenant le dessus malgré ses efforts pour les réprimer. Je ne comprends pas ce qui s’est passé entre votre frère et vous. Je ne comprends pas votre petit jeu. Je ne comprends pas pourquoi vous avez envoyé votre fils grandir ailleurs, alors que vous aimiez sa mère.
Madoc la contempla, le visage aussi figé et grave que l’effigie d’un martyr. Seuls ses yeux laissaient deviner ses émotions, ils étaient brûlants, mais pas de désir, de fureur.
— Si vous pensez que je fais ces choses-là parce que j’y prends plaisir , ou parce que j’ai le choix, vous ne comprenez pas, en effet. Et vous ne me connaissez pas.
Le cœur s’emballant, la panique s’emparant de nouveau d’elle, Roslynn s’éloigna de lui à reculons. Elle n’avait pas connu la véritable nature de Wimarc avant qu’il ne la révèle après leur mariage, alors qu’elle était liée à lui pour la vie. Visiblement, elle ne connaissait pas Madoc ap Gruffydd, non plus.
— Par tous les saints, Roslynn, pourquoi me regardez-vous ainsi ? demanda-t-il. Combien de fois devrai-je vous dire que je ne vous ferai pas de mal ?
— Comment puis-je en être sûre ? demanda-t-elle dans un murmure.
Elle noua ses mains devant elle, désirant lui faireconfiance mais terrifiée à l’idée que ce puisse être une autre erreur désastreuse.
Soudain, le courroux de Madoc disparut comme la flamme d’une chandelle sur laquelle on aurait soufflé. Les yeux pleins de remords, il tendit les mains vers elle dans un geste de supplication.
— Parce que…
Une expression différente s’inscrivit alors sur son visage, un mélange de surprise et de certitude.
— Parce que je vous aime, fy rhosyn .
Elle ferma les yeux. Dire qu’elle avait tant désiré l’entendre prononcer ces mots.
Mais à présent elle avait vu la façon dont il avait attaqué son frère, la rage et la violence explosive dont il était capable. Elle avait été témoin de son humeur sombre et maussade après coup.
Elle ne pourrait plus jamais se sentir en sécurité ici.
— Wimarc prétendait m’aimer aussi, dit-elle d’une voix basse. Et il m’a battue jusqu’à ce que je ne puisse plus bouger.
— Mais il ne pensait pas ces mots, lui ! protesta Madoc. J’ai été plus furieux que je ne l’avais jamais été aujourd’hui, et cependant je ne vous ai pas frappée. Je vous le répète, je ne le ferai jamais.
Certes, il n’avait pas levé la main sur elle. Il ne lui avait pas porté de coups, ne l’avait pas jetée à terre, ni fait quoi que ce soit pour la blesser physiquement. Il ne lui avait pas non plus lancé de terribles insultes.
Mais le mal était fait. Après ce qui s’était passé ce jour-là, elle ne pourrait jamais être sûre qu’il ne passerait pas sa colère sur elle, un jour. Qu’il ne sortirait pasde ses gonds et ne la frapperait pas, que ce soit de ses poings ou de ses paroles.
Ce serait comme marcher chaque jour au bord d’un précipice plein de dangers invisibles qui la guettaient.
Elle avait déjà vécu cet enfer avec Wimarc, et elle s’était juré de ne plus jamais le revivre.
— Laissez-moi, Madoc, dit-elle. Je ne peux supporter d’être près de vous en ce moment.
Il la fixa comme si c’était elle qui l’avait frappé.
— Roslynn…
— Ferez-vous ce que je demande, ou non ?
Frappé de plein fouet par ses paroles, il la quitta sans un mot.
***
Lorsqu’il fut parti, Roslynn se laissa glisser sur le sol de pierre froid et se couvrit le visage de ses mains. Elle savait ce qu’elle devait faire, ce qu’elle s’était juré de faire.
Plus jamais, elle ne vivrait dans la crainte permanente de subir les violences de l’homme dont elle partageait la vie. Plus jamais elle ne redouterait qu’il cède à la brutalité et la frappe, alléguant qu’elle
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