Sur ordre royal
servantes.
Lloyd se tenait à l’entrée de la grand-salle, marmonnant à l’intention de Bron, et plusieurs des soldats et autres serviteurs de Llanpowell les observaient depuis le chemin de ronde, les baraquements, les écuries et autres dépendances, tous chuchotant entre eux.
Juste comme elle atteignait le chariot, Roslynn aperçut du coin de l’œil Ivor debout près de l’armurerie, un sourire narquois et satisfait sur le visage.
Si Madoc avait été là, elle l’aurait pris à l’écart et, quoi qu’il se soit passé entre eux, elle lui aurait parlé sur-le-champ de ses soupçons et du fait qu’il ne fallait pas se fier à l’intendant. Elle lui aurait dit qu’il ne devait pas prendre ce qu’Ivor lui disait pour argent comptant. Qu’il devait vérifier les comptes avec soin et inspecter toutes les livraisons faites par des marchands.
Mais Madoc n’était pas là, et elle ignorait complètement où il était.
Elle songea à parler à Lloyd et écarta cette idée. Il douterait probablement d’elle et elle ne voulait pas essayer de justifier ses soupçons dans la cour, aux yeux de tous. D’ailleurs, elle n’en avait pas le temps.
Néanmoins, elle ne laisserait pas Ivor voler Madoc. Elle écrirait à son époux en arrivant à Briston. Elle s’assurerait que la lettre lui soit remise en mains propres. Elle lui devait bien cela.
Et s’il choisissait de ne pas la croire, au moins elle aurait essayé.
Son père, qui n’avait pas encore enfourché son cheval, ouvrit la portière du chariot et l’aida à monter. Ce n’était pas un mode de transport particulièrement reposant, mais sa mère avait rendu l’intérieur aussi confortable que possible, avec quantité de coussins, après avoir insisté pour qu’elle ne monte pas à cheval. Roslynn ne se souciait pas assez de la façon dont elle partirait pour protester.
Elle n’avait pas non plus expliqué à ses parents pourquoi elle souhaitait partir avec eux. Et ils n’avaient rien demandé. Peut-être, ayant vu l’attitude revêche de Madoc au banquet, ou du fait de sa farouche confrontation avec son frère, étaient-ils parvenus à leurs propres conclusions. Peut-être sentaient-ils aussi qu’elle était trop bouleversée pour être interrogée, et attendraient-ils qu’elle leur donne une explication d’elle-même.
Son père referma bien la portière et lui décocha un sourire encourageant.
— Quelques jours à passer, et vous serez en sécurité à la maison, dit-il avant de rejoindre son cheval.
La maison. Leur maison, autrefois la sienne.
Elle promena les yeux sur les murailles et les bâtiments de Llanpowell, devenus familiers pour elle. En moins d’un mois, ce château était devenu sa demeure, parce que Madoc s’y trouvait.
Elle se détourna de la fenêtre lorsque son père donna l’ordre du départ et que le lourd véhicule cahotant se mit en branle, tiré par quatre énormes chevaux de trait.Sa mère passa un bras autour d’elle, la réconfortant sans un mot.
— Bon voyage, ma dame ! cria Bron en courant au chariot et en agitant les bras avec frénésie. Dieu vous bénisse !
— Oh, mère…, murmura Roslynn.
Elle posa la tête sur l’épaule de dame Eloïse, submergée par le chagrin qui s’abattait de nouveau sur elle.
***
Roslynn s’éveilla en sursaut lorsque le chariot s’arrêta dans une secousse. Elle s’était endormie, même s’il faisait encore jour.
— Mère, qu’est-ce que…
— Chut ! commanda sa mère, de la peur dans les yeux et dans la voix.
Le corps tendu, elle se pencha en avant et écarta le rideau en cuir qui couvrait la fenêtre pour regarder avec précaution à l’extérieur. Roslynn fit immédiatement la même chose de l’autre côté.
Malgré la vue restreinte, elle aperçut un groupe de cavaliers qui se tenaient au milieu de la route, leur barrant le chemin.
Et ils étaient conduits par Trefor ap Gruffydd.
Elle se rabattit prestement en arrière, de crainte qu’il ne l’aperçoive. Trefor n’avait jamais vu ses parents. Peut-être pensait-il simplement voler de riches Normands. Néanmoins, qu’il s’agisse de vol ou d’autres motifs, ils pouvaient être en danger.
— Avez-vous une autre arme que votre couteau de table ? demanda-t-elle doucement à sa mère.
— Non. Et vous ?
Roslynn secoua la tête.
— Nous sommes en sécurité, déclara sa mère, la bouche pincée par la détermination. Votre père et ses hommes nous protégeront.
A
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