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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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il ne regagna pas son lit.

Chapitre 16

    Novembre dénudait les arbres, déversait ses orages froids sur la ville, transformait la terre en boue. Malgré ce temps peu clément, des centaines de personnes se tenaient dans la cour de l’Hôtel-Dieu. Toutes les institutions d’enseignement de garçons de la ville avaient libéré leur clientèle pour la grande cérémonie. Les jeunes filles, quant à elles, se recueilleraient dans la chaleur de leur classe. Les exposer aux intempéries aurait semblé inhumain.
    Les écoliers étaient réunis par classe, revêtus de leur uniforme et encadrés par leur professeur. Ceux du Petit Séminaire, chanceux, se massaient juste devant l’autel dressé dehors, surmonté d’un dais pour protéger les prêtres. Et parmi eux, la classe de Belles-Lettres jouissait de la plus belle vue.
    —Je veux mourir comme eux, je vais mourir comme eux, clama Raymond avec ferveur, attirant les regards de ses compagnons.
    Si tous les élèves se plaçaient l’un derrière l’autre, en fonction de leur taille, ce garçon bravait maintenant les usages et regagnait invariablement le dernier rang pour se tenir près de Jacques Létourneau.
    — Tu seras déçu. Les Iroquois ont changé leurs habitudes. Au lieu de faire frire leurs prisonniers avant de les manger, maintenant ils vendent des paniers tressés et des poupées en maïs dans les environs de Caughnawaga.

    — ... Pour toi, tout devient un motif de dérision, répliqua Raymond.
    La moue boudeuse sur son visage fit espérer à Létoumeau qu’il retourne à sa place, au premier rang. Lavallée ne se laissait toutefois pas décourager aussi facilement.
    — Plus personne ne va évangéliser les Sauvages de nos jours, ajouta Raymond, ils ont tous été convertis. Mais en Afrique...
    — Tu as raison, là, il y a encore des cannibales pour manger les missionnaires. Je te souhaite bien du succès dans ton entreprise. Assaisonné d’une petite sauce au poivre, ils se délecteront de toi...
    Le garçon fit un bruit avec sa bouche, comme s’il salivait devant un bon repas.
    — Je vais souvent voir les pères blancs, dit Raymond, résolu à ignorer la raillerie. Comme tu le sais, ils ont un couvent en ville.
    Personne ne pouvait l’ignorer. L’un des leurs allait régulièrement parler des missions dans tous les établissements d’enseignement de la ville, afin de gagner des vocations. Ensuite, il tendait
    naturellement
    la
    main
    pour
    obtenir
    une obole. Pour mousser leur cause, ces religieux présentaient aux élèves des sagaies, des boucliers en peau de léopard ou de lion, et même
    des
    sculptures
    taillées
    dans
    des
    défenses d’éléphant. Et des photos, des centaines de photos.
    — Certains d’entre eux sont devenus des amis, ajouta Raymond. Ils m’ont donné cela.
    Le garçon extirpa quelques photographies de la poche de sa jaquette pour les lui montrer. Toutes représentaient un missionnaire au milieu d’une bande de négrillons.
    — Vous deux, annonça l’abbé Renaud en s’approchant, je vous ai à l’œil. Commettez-Vous le sacrilège d’échanger des images cochonnes en ce jour béni ?
    L’ordination, survenue quelques semaines plus tôt, ne rendait pas ce jeune abbé plus tolérant pour certains intérêts trop... terre à terre des jeunes gens lui étant confiés.
    — Qu’allez-vous penser là? ricana Létourneau. Mon camarade me faisait part de son intention de devenir missionnaire, comme nos saints martyrs canadiens.
    En disant ces mots, il mit sous le nez de son professeur le portrait d’un père blanc hilare au milieu de sa classe.
    — ... C’est bon. Mais tout de même, restez silencieux.
    L’endroit ne prête pas aux conversations.
    Alors que le jeune prêtre s’éloignait, le grand blond dit dans un souffle :
    — Ce gars-là doit porter un cilice autour des couilles, pour montrer toujours cette mine de déterré.
    La réflexion troubla un peu son compagnon ; il fit porter son poids sur sa jambe droite, douloureuse. Jacques Létourneau ne paraissait jamais intimidé devant ses maîtres.
    Même si son attitude frôlait sans cesse l’insubordination, elle ne l’exposait jamais à de véritables punitions. Entre eux, les professeurs évoquaient une forte tête, mais sur le bulletin, son comportement tout comme son attitude demeuraient somme toute bien évalués.

    *****
La cérémonie de translation des restes des saints martyrs se déroulait dans les murs de l’Hôtel-Dieu. La petite chapelle

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