Thalie et les âmes d'élite
des hospitalières
était
encombrée
de
membres
du
clergé et des politiciens les plus éminents de la ville. Le maire
Samson,
le
premier
ministre
Louis-Alexandre
Taschereau et le ministre fédéral Ernest Lapointe formaient un trio particulièrement recueilli. A deux heures quarante, tout le monde entonna l’Hymne des martyrs pendant que messeigneurs Langlois et Hallé agitaient leur encensoir en tournant autour d’une grande châsse dorée.
A la fin, Olivier Maurault, sulpicien, l’abbé Lapointe, aumônier de l’Hôtel-Dieu, le révérend père Eustache, franciscain, et l’abbé Vachon, directeur spirituel du Petit Séminaire, portèrent le reliquaire sur leurs épaules. Avec ce fardeau, les ecclésiastiques présents et les notables firent le tour des salles communes de l’hôpital. L’Action catholique rendrait compte en termes émus des ferventes prières de tous les malades des deux sexes. Les plus gravement atteints affichaient la plus grande dévotion.
La procession se poursuivit devant l’édifice, pour un arrêt des saintes reliques face à l’autel improvisé dans la cour. Avec l’encens généreusement répandu de nouveau, les chants et les prières montèrent vers le ciel gris. Un millier de personnes se rassemblaient maintenant près de l’hôpital, pour former une interminable procession.
— Dans ce reliquaire doré, murmura Raymond, repose le crâne du père Jean de Brébeuf.
Létourneau reconnaissait à son camarade une totale compétence en ce genre de chose, aussi il ne contredit pas l’information. La cérémonie devait se dérouler rapidement, car tout ce beau monde avait un horaire chargé. Les quatre ecclésiastiques se chargèrent encore de leur précieux fardeau pour se mettre au bout d’un long cortège.
*****
— La religion va nous faire perdre une demi-journée de chiffre d’affaires, grommela Marie, plantée devant l’une des vitrines.
Des yeux, elle s’assura que sa belle-fille, Amélie, ne se scandalise pas de sa remarque. Au contraire, celle-ci renchérit :
— La religion et le nationalisme. Deux des missionnaires de la Nouvelle-France sont bien engagés sur le chemin de la sainteté. Bon, dans leur cas on ne peut pas en parler comme de nos ancêtres, mais tout de même...
Jean de Brébeuf et Gabriel Lalemant figuraient maintenant au panthéon des bienheureux. Personne au Québec ne doutait de leur sainteté. L’Eglise confirmerait plus tard cette conviction par leur canonisation.
— Église catholique et nation canadienne-française se confondent maintenant totalement, conclut Marie.
Depuis un instant, les cloches de toutes les églises de Québec et de Lévis sonnaient à l’unisson. Le défilé qui apparut sous leurs yeux, peu après trois heures, donna tout à fait raison à la marchande. Un bruit de fanfare incita les deux femmes à s’approcher un peu plus de la vitrine. Dans la rue de la Fabrique, la police montée municipale, dirigée par le capitaine Trudel et le lieutenant Bigaouette, ouvrait la marche. Tout de suite après les constables venait la fanfare du 22e régiment. L’hymne religieux formait une curieuse cacophonie avec les cloches. Les zouaves, grands et petits
- les écoles comptaient leurs propres recrues -, la garde Jacques-Cartier, les chevaliers de Lauzon, les pompiers, la garde Dollard-des-Ormeaux incarnaient diverses dimensions de la virilité martiale canadienne-française.
La jeunesse de la ville venait ensuite, figurée par les élèves de l’Ecole normale Laval, du Collège de Lévis, du Petit Séminaire et des pères maristes. Les adultes laïcs étaient représentés par des membres de la société Saint-Jean-Baptiste et celle des Hiberniens, une organisation irlandaise.
L’Eglise de demain alignait un long contingent de soutanes: les étudiants
du
Grand
Séminaire,
les
novices
des
Frères des écoles chrétiennes, des capucins, des franciscains et des pères blancs devaient faire une grande impression sur les gens de Québec, massés par dizaines de milliers sur les trottoirs. Pour au moins une génération encore, la population demeurerait étroitement encadrée par la religion.
Les membres du clergé de la ville paradèrent ensuite, un véritable escadron de prêtres. En passant devant la boutique ALFRED, monseigneur Buteau tourna la tête vers la gauche.
Comme le cortège devait s’engager dans la rue Buade, sa progression fut un peu ralentie. Cela fournit au frère et à la sœur
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