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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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quelqu’un...
    Fernand songea un bref instant à Jeanne, pour chasser cette pensée de son esprit. Depuis octobre, toute communication avait cessé entre eux.
    — Ma mère est encore moins mobile que ta femme, conclut-il. Dans ta famille, quelqu’un voudra certainement profiter de l’occasion. Ou alors l’un de tes collègues de l’université... Crois-moi, comme voisin de fauteuil, n’importe qui me
    conviendra.
    Le
    cardinal
    Roy
    lui-même
    me
    semblerait bien plus amusant qu’Eugénie.
    De mauvaise grâce, Mathieu lui tendit l’un des rectangles en carton. Fernand Dupire le salua en mettant la main sur le bord de son chapeau. Après avoir parcouru la moitié de la distance le séparant de sa voiture, il se retourna pour dire encore :
    — Demain, je te poste le montant de ce billet. Si c’est bien, j’enchaînerai avec une critique mardi matin.
    L’éventualité fit sourire son interlocuteur. Il demeurait tout de même avec la moitié de son problème sur les bras.

    *****
    De retour à la maison, après avoir mis le dîner au four, il décrocha le téléphone afin de contacter sa mère. En quelques phrases, il commença par s’entendre avec elle pour obtenir les services de Gertrude dès le lendemain.
    — Tu comprends, expliqua-t-il, comme je passe toute la journée au bureau, cela m’inquiète de la laisser seule.
    — Mais bien sûr. Il faut en prendre soin.
    — Tu peux me passer Thalie, maintenant ?
    Quelques mots suffirent pour mettre sa sœur au courant de la situation.
    — Tu connais quelqu’un susceptible d’être intéressé par cette pièce ? Une personne solitaire, car il ne me reste qu’un billet.
    — C’est vraiment ironique. D’habitude, je te dirais
    « Oui, moi ». Pour une fois, je ne serai pas seule. Je ne vois pas... Attends, Elise m’a dit s’y être prise trop tard pour obtenir une place. Je la prends.
    — Tu n’attends pas de savoir si elle peut se le permettre ?
    —Je vais la lui offrir. Je dois ma carrière à son père, dans une certaine mesure.
    Mathieu se priva de lui dire que sa logique lui échappait un peu: étant redevable au docteur Caron, c’était à lui qu’elle devrait montrer sa reconnaissance.
    — Dans un autre ordre d’idées, ajouta Thalie, comment se porte ma patiente ?
    — Bien, je pense. Elle est étendue. Le poids de deux personnes sur ses jolies jambes...
    — Je sais, elle doit être épuisée. Si jamais elle a la moindre inquiétude, fais-le-moi savoir.
    La femme enceinte fît encore l’objet de quelques échanges, puis il raccrocha. Il lui restait à terminer la préparation du repas.

    *****
    Un peu avant sept heures, Georges Bernier sonna à la porte de la pension Sainte-Geneviève. Comme Jeanne l’attendait, elle répondit bien vite, son paletot déjà sur les épaules.
    — Bonsoir, mademoiselle.
    — Entrez, je serai prête dans un instant.
    — ... Je préfère vous attendre ici.
    Le menuisier se voyait mal debout dans le petit hall de cette demeure de notables. Il gardait une conscience aiguë de sa condition et regardait les « bourgeois » - pour lui le terme couvrait un vaste éventail de fortunes - à la fois avec envie et méfiance.
    La femme le rejoignit bientôt sur le trottoir, soigneusement boutonnée, son chapeau bas sur le crâne. Les soirées de février étaient froides, et tous les deux avaient convenu de se rendre au cinéma à pied. Ils sortaient ensemble pour la troisième fois. Lors de la seconde, une longue marche avait permis le nécessaire échange de certains éléments de leur biographie respective.
    — Ce soir, commenta Georges, tous les habitants de la Haute-Ville vont se trouver à l’Auditorium pour voir des comédiens français. Je me demande bien quel est leur intérêt. Moi, ça ne me dirait rien.
    Sa compagne préféra taire sa propre opinion sur le sujet.
    Les journaux avaient souligné la qualité de la troupe de Louis Jouvet. L’idée de sacrifier quelques sous de ses modestes économies pour se procurer un billet lui avait traversé l’esprit. Elle avait abandonné ce projet en recevant l’invitation de son ami.

    — Ma patronne ira, commenta-t-elle pour rompre le silence.
    — C’est ce que je disais. Un gros incendie, et tous les bourgeois disparaîtraient.
    — Quelle drôle d’idée..
    — Je n’ai pas dit que je mettrais le feu. Mais les conseillers municipaux, les députés, les avocats, les médecins, les propriétaires d’entreprise, ils seront tous là.
    L’homme avait

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