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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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première place a dû les troubler.
    — Vous devrez non seulement être la meilleure, mais demeurer très prudente afin de ne pas montrer votre intelligence.
    Ne répondez jamais la première et baissez les yeux avec modestie en énonçant une bonne réponse. Sinon, ils vous diront arrogante.
    — Ce sera le plus difficile.
    La jolie brunette battit ses longs cils. La modestie ne figurait pas parmi les premières qualités de cette jeune femme.
    — Oh non ! Le plus difficile, ce seront les blagues scabreuses de vos collègues du sexe fort. Ils parleront de leurs conquêtes imaginaires,
    de
    flatulences
    et
    de
    déjections,
    tout
    en cherchant une rougeur sur vos joues. Sous le couvert de l’humour, ces jeunes gens se rendront détestables.
    — Vous me promettez un jardin de roses.
    — Pendant les dissections, vous serez constamment surveillée.
    Thalie jetait pêle-mêle tous ses mauvais souvenirs, le ton chargé de rancœur.
    — Au moindre tremblement de la main, au moment de fendre la peau, ils diront encore: «Les femmes sont incapables de faire ce travail.» Pourtant, dans votre classe, vous verrez un garçon s’étendre de tout son long à la vue de tripes grisâtres, et personne ne songera à l’accuser de sensiblerie.
    La jeune femme marqua une pause et adressa un sourire contraint à sa compagne.
    — Je m’excuse. Je voulais vous féliciter et vous encourager à persévérer. Je me suis montrée à vous comme une vieille femme aigrie.
    — J’admets que j’ai déjà reçu des encouragements mieux sentis.
    Toutes les deux se regardèrent un instant, puis éclatèrent de rire.

    — Une fois votre diplôme en poche, vous devrez vous faire une clientèle. Cela aussi me pèse un peu, mais depuis deux semaines, je me fais un devoir d’offrir mes services à toutes les femmes que je rencontre.
    Thalie sortit de la poche de sa veste l’une de ses cartes professionnelles. Marthe Pelland en lut le recto et le verso.
    Les deux petites phrases lui tirèrent un sourire. En levant ses yeux noirs, elle déclara :
    — Je passerai vous voir avant de me rendre à Montréal, en tant que patiente. Vous m’annoncez une rude bataille, je dois me préparer au pire, rassembler toutes mes forces.
    — Mais je n’ai pas demandé à vous voir pour cela.
    — J’espère bien, car ce serait un moyen bien lent d’arriver à vos fins.
    De nouveau, un rire partagé permit d’alléger l’atmosphère. Le jeune médecin leva la main pour attirer l’attention du serveur et réclama pour elle l’addition.
    — Je vous invite, déclara-t-elle à sa compagne.
    Quand elles quittèrent la salle à manger, tout en lui serrant la main, Marthe Pelland se troubla.
    — Vous ne m’avez pas brossé un beau portrait des années à venir. Eprouvez-vous des regrets ?
    — Non, et si je vous ai donné cette impression, j’en suis désolée.
    — ... Votre carrière satisfait-elle vos aspirations ?
    L’image de sa salle d’attente à moitié vide lui traversa l’esprit.
    — Oui. Certains moments compensent les années de préparation. Tenez, il y a deux semaines, un garçon est venu en consultation avec son père. En sortant, il a lancé «merci, docteur Picard» sans la moindre hésitation, sans arrière-pensée. Quand il aura quarante ans, la présence de femmes professionnelles semblera peut-être naturelle à tout le monde.
    — Et ce garçon, il avait quel âge ?
    — Peut-être dix ans.
    Marthe Pelland secoua la tête pour écarter la mèche brune de son œil gauche, puis murmura, amusée :
    — Cela nous conduit en 1955. Nous attendrons donc longtemps le moment où ces messieurs ne parleront plus du poids de notre cerveau et des empêchements liés à notre nature.
    — Au moins, nous y serons pour quelque chose, j’espère.
    Thalie salua la jeune femme de ses doigts gantés. Elle la regarda se diriger vers la sortie, sa démarche présentant un joli mouvement des hanches.
    — Elle sera première de classe tout en demeurant très attirante. Ses camarades vont la détester... tout en rêvant d’elle.
    Elle consulta la montre à son poignet, puis s’empressa de rentrer à l’appartement de la rue de la Fabrique.

Chapitre 3

    De nombreux citadins fuyaient les grandes chaleurs de l’été en migrant à la campagne. La plupart des membres de la famille Dupire y trouvaient un plaisir indiscutable.
    Toutefois, ce n’était pas le cas de la domestique.
    Tous les jours, le même scénario se répétait avec

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