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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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peut pas être aussi grave qu’elle a dit.
    — Je vais m’occuper de la vaisselle et de coucher François. Allez-y.
    Son mari se tenait déjà près de la porte, morose. Elle fit mine de le rejoindre, s’arrêta en disant:
    — Son chapelet. Il lui faut son chapelet.
    La ménagère grimpa lourdement l’escalier et redescendit le poing fermé sur les perles en cristal.
    Le prix de la course en taxi jusqu’à la rue Simard aurait pesé bien lourd sur les ressources de la famille, aussi le couple se contenta-t-il de prendre le tramway. Tout au long du trajet, la pauvre femme renifla bruyamment, au point d’indisposer les autres passagers, tout en se tamponnant les yeux avec son mouchoir.
    — Cela ne doit pas être si grave, pesta le père. Il a eu le rhume tout l’été dernier. Il aurait dû rentrer à la maison directement.
    — La sœur a parlé de l’hôpital Laval.
    Cela laissait présager un diagnostic affligeant. Laval se faisait une spécialité de soigner la peste blanche. De bien rares personnes en obtenaient leur congé pour ensuite reprendre une vie normale. Habituellement, on en sortait dans une boîte.
    Un peu après huit heures, la religieuse de service vint frapper à la porte du box, sortant le malade de la semi-somnolence où le plongeait son épuisement, puis elle permit aux visiteurs d’entrer.
    — Mon petit garçon, cria la femme en se précipitant sur le lit.
    Elle heurta en passant la chaise de Thalie puis, penchée sur Raymond, elle lui mit ses grosses fesses dans le visage.
    Le médecin crut préférable de se lever. Elle entendit la mère répéter d’une voix plaintive: «Mon petit, mon petit, mon petit. » Dans sa position, ses seins pesaient lourdement sur la poitrine du malade, au risque d’entraver sa respiration.
    — Madame, dit-elle en lui mettant la main sur l’épaule, vous feriez mieux de vous asseoir sur ce siège. Vous serez plus à l’aise pour lui parler... et lui, pour vous répondre.
    Il fallut un instant avant que la mère réprime l’expression de son amour. Quand la sécurité de son patient parut assurée au moins pour la soirée, Thalie revint vers la religieuse.
    Cette
    dernière
    déclara
    à
    l’intention
    de
    l’homme
    embarrassé debout près d’elle, sa casquette à la main :
    — Monsieur Lavallée, le docteur pourra répondre à vos questions mieux que moi.
    Le père chercha dans la pièce l’illustre personnage, un peu intrigué. Il ne voyait de médecin nulle part, seulement une curieuse petite femme avec les traits tirés.
    — Suivez-moi, dit Thalie de sa voix la plus autoritaire.
    Je suis le docteur Picard.
    Elle insista sur le titre. Cela ne suffit pas à amener le visiteur à réprimer son incrédulité. Il la suivit pourtant dans le couloir. Quelques pieds plus loin, elle se tourna vers lui pour demander :
    — Que souhaitez-vous savoir ?
    — De quoi souffre-t-il exactement ?
    — De la tuberculose.
    L’homme la regardait du haut de ses six pieds, toujours incertain de sa véritable fonction.
    — C’est impossible. Il traîne toujours une grippe, même l’été, plaida-t-il pour la seconde fois.
    — L’été dernier, il est venu me voir avec la fièvre des foins.
    Il ne s’agit pas de cela aujourd’hui. Malheureusement, votre fils a la tuberculose, ses deux poumons sont atteints.
    Devant les sourcils en accent circonflexe, elle laissa échapper un soupir de lassitude. Ce père entendait certainement le garçon tousser depuis des mois, sans doute savait-il aussi qu’il crachait du sang. Pourtant, il niait encore.
    — Venez dans mon bureau.
    Dans le box, elle retrouva les deux radiographies là où elle les avait laissées. Elle alluma la lampe du bureau et tourna la demi-sphère de laiton vers le bas afin de projeter le cône de lumière au plafond.
    — Regardez ce cliché. Comme vous le voyez très bien, le poumon est voilé jusque-là.
    Avec l’index de son autre main, elle dessinait les contours de la tache laiteuse.
    — Et maintenant, sur cette seconde radio, vous le constatez aussi bien que moi, c’est la même chose. C’est la consomption, des deux côtés.
    Lavallée demeura un moment silencieux, le temps que la vérité fasse son chemin dans son esprit. Finalement, il acquiesça d’un mouvement de la tête.
    — Si vous doutez de moi, demandez demain l’opinion d’un médecin de l’hôpital Laval. Il vous répétera exactement la même chose.
    La voix contenait une dose de défi. Son interlocuteur ne le releva

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