Thalie et les âmes d'élite

Etats-Unis.

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    L’un des vicaires de la paroisse Saint-Roch se donnait la peine de se rendre à l’Hôtel-Dieu une fois par semaine afin de réconforter celles de ses ouailles devant séjourner dans cet établissement. A son retour, il alla frapper à la porte du bureau de son curé. Une fois assis sur le siège réservé aux visiteurs, il commença :
    — Vous devez le savoir, déjà... Selon les conversations des religieuses, le successeur de monseigneur Bégin aurait été désigné dès samedi dernier.
    A l’arrivée de son subalterne, Emile Buteau avait craint une confidence désagréable. Les jeunes abbés étaient bien sensibles à la considération que leur méritait leur habit sacerdotal. Certains se troublaient de l’attention des jeunes femmes... parfois même des jeunes hommes. Ce genre de situation demeurait très difficile à gérer.
    La conversation prenait un cours tout à fait inattendu.
    — Les rumeurs sont nombreuses, maugréa le curé en essayant de dissimuler son malaise.
    — Le choix se serait arrêté sur monseigneur Paul-Emile Roy. Comme celui-ci réside à l’hôpital depuis deux ans, ces saintes femmes sont susceptibles d’avoir été témoin de la nomination... Cela aurait eu lieu le 18 juillet dernier.
    La nouvelle atteignit Buteau comme un coup en pleine poitrine. Bien sûr, cela devait être vrai, si les augustines en discutaient entre elles. Lentement, il acquiesça d’un signe de la tête. Le jeune prêtre conclurait ne lui avoir rien appris.
    — La nomination est bien étonnante, enchaîna le visiteur.
    Tout le monde affirme que le pauvre monseigneur Roy connaît une véritable agonie.
    — D’un autre côté, notre voisin de la paroisse Notre-Dame-de-Jacques-Cartier
    a
    tellement
    bien
    servi
    l’Eglise.
    Dieu lui donnera certainement la force...
    La colère, plutôt que la peine, étouffa les mots dans la gorge de Buteau. Le vicaire en fut dupe. Il se trouvait maintenant prêt à témoigner de la sensibilité de son supérieur.
    — Nous allons tous les deux prier pour notre nouvel évêque, enchaîna le prélat. Dieu lui viendra en aide, j’en suis certain...
    Sur ces mots, Buteau se leva. Cela équivalait à un congédiement. Il raccompagna le vicaire jusqu’à la porte et lui souhaita une bonne nuit. Plus tard, adossé contre l’huis refermé, il prenait une grande respiration pour soulager sa colère. Ce foutu Langlois ! Le jour même de la mort du cardinal, il faisait du coadjuteur le titulaire du diocèse. La maladie de Bégin avait duré une semaine. Ce délai avait amplement suffi pour consulter le nonce apostolique et avoir des échanges réguliers avec le Vatican. De nos jours, on pouvait même mener des tractations internationales grâce au téléphone !
    L’ecclésiastique serra les poings. L’envie de les abattre sur le bois de la porte le tenailla. Lentement, il reprit la maîtrise de ses émotions. Après ce coup du sort, le sommeil ne viendrait pas facilement. Son chapeau de feutre noir à la main, il parcourut les couloirs sombres, puis tira les verrous pour se rendre dans le jardin assez vaste devant le presbytère.
    Buteau se tint quelque temps debout devant la statue du Sacré-Cœur.
    — Quel hypocrite, grommela-t-il. Au cours de nos conversations tout au long de la maladie de Sa Grandeur, jamais il n’a laissé poindre un indice. L’animal savait ne pas pouvoir être nommé tout de suite : il a été fait évêque en janvier dernier. Mais en magouillant pour mettre ce grabataire sur le trône épiscopal, Langlois se donne la chance de continuer à tout diriger, tout en travaillant à sa propre nomination quand Roy cessera de souffrir.
    Devant lui, le visage en pierre demeura impassible. Le Sacré-Cœur ne confirmerait pas son analyse, mais ne la contredirait pas non plus.
    — Tout cela en cachette ! Avoir su, j’aurais pu jouer mes cartes ! pesta-t-il encore, de la rage dans la voix.
    Ce jour-là, le prélat domestique n’en viendrait pas facilement à formuler avec sincérité « Seigneur, que votre volonté soit faite». Actuellement, la volonté de Joseph-Alfred Langlois,
    ancien
    directeur
    du
    Collège
    de
    Lévis,
    semblait prévaloir.
    Son chapeau rond sur la tête, Buteau s’engagea dans la rue Saint-Joseph pour se diriger vers l’ouest. Assez vite, il se trouva devant la modeste église de la paroisse Notre-Dame-de-Jacques-Cartier.
    Bien
    sûr,
    en
    inspirant
    la
    lutte
    contre le droit de vote des femmes depuis quelques