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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fond, tu t’en sors très bien pour une première de classe. J’en parlais justement à Gabrielle...
    — Tu parles de moi à ta femme ?
    Sa collègue lui adressait maintenant un regard perplexe.
    — En bien seulement, sois rassurée. Tellement qu’elle aimerait te recevoir à souper, un soir où nous serons tous les deux libres.
    Cette éventualité ne se produisait pas fréquemment, leurs heures de travail tendant à s’allonger.
    — Bien sûr, continua-t-il, tu viendras avec qui bon te semble.
    — Ah ! Voilà un autre drame des premières de classe : pas de garçon à l’horizon.
    — Si tu comptes faire une vocation du célibat, nos saintes religieuses seraient bien ouvertes à te recruter. Je t’imagine sans mal avec le grand costume noir et blanc. Une novice diplômée en médecine, ce serait merveilleux dans leur nouvel hôpital. Elles sont peut-être toutes en train de prier pour cet heureux dénouement.
    Thalie s’amusait d’autant plus de cette proposition qu’elle la savait véridique. Sœur Sainte-Sophie lui paraissait être un sergent recruteur bardé de douceurs.
    — Et cet hôpital dont on projette la construction, comment
    s’appellera-t-il
    ?
    demanda-t-elle
    après
    une
    pause.
    —Notre-Dame-de-l’Espérance.
    Nous
    le
    verrons
    l’an
    prochain, tout neuf, près du chemin Sainte-Foy.
    La jeune femme consulta la montre à son poignet, puis elle se leva vivement en disant :

    — Je te demande pardon, ta femme doit t’attendre pour souper.
    — Je lui ai donné un petit coup de fil pour la prévenir que je rentrerai plus tard. Mais c’est vrai, nous devrions tous les deux aller nous reposer.
    La jeune femme récupéra sa veste suspendue à un crochet. En l’endossant, elle demanda encore :
    — Et cette jeune fanatique de l’électricité ?
    — Je lui ai expliqué que même si elle posait les fesses sur la chaise électrique de nos voisins américains, sa jambe resterait atrophiée, répondit-il, un petit sourire ironique en coin.
    — Dans ces mots-là ?
    — Pas tout à fait. J’ai évoqué plutôt un poteau de la Quebec Power, et gardé sous silence toute allusion à une partie honteuse de son anatomie.

    *****
    Un peu avant six heures, Flavie vit arriver un homme élégant dans les bureaux administratifs du magasin PICARD.
    Elle s’étonna encore une fois de son allure juvénile. A quarante-cinq ans, on lui en aurait volontiers donné dix de moins, peut-être vingt, à cause de sa silhouette mince, de son costume de couleur claire et de son panama élégant De plus près, l’illusion disparaissait: le visage présentait des rides et des fils blancs marquaient la chevelure et même la moustache.
    — Bonjour, monsieur Lavergne. Comment allez-vous?
    — La vue d’une personne aussi charmante que vous me place toujours dans les meilleures dispositions.
    Le sourire narquois de la jeune femme indiquait combien elle dédaignait les efforts de ce Casanova.
    — Je vais avertir monsieur Picard de votre arrivée.
    Un instant plus tard, elle pénétrait dans le bureau de son patron en disant :
    — Monsieur, votre visiteur est là.
    — Faites-le entrer.
    La directive ne servait à rien; Lavergne la pièce en vieil habitué.
    — Comme j’ai terminé de dactylographier les lettres, je vais rentrer, dit-elle encore.
    — Bien sûr, bien sûr. Bonne soirée.
    — Bonne soirée, messieurs, les salua-t-elle en se retournant afin d’adresser son souhait aux deux hommes.
    Edouard tendit la main à son vieil ami et lui désigna la chaise en face de son bureau.
    — Quelle jolie femme, dit le visiteur en s’asseyant, une fois la porte du bureau fermée.
    — Flavie ? Oui, sans doute. C’est curieux, mais avec le temps, je ne la remarque pas plus qu’un vieux meuble.
    L’autre ne fut pas dupe. Si le marchand prétendait ne plus la voir, cela tenait au fait que l’employée s’était montrée tout à fait insensible à ses avances.
    — C’est l’épouse de ton cousin, je pense. Le vétéran qui paraît si fier d’avoir fait son devoir en risquant sa peau pour le roi d’Angleterre.
    L’avocat nationaliste gardait un souvenir désagréable de sa dernière conversation avec Mathieu, cinq ans plus tôt, quand il assurait la défense de Télesphore Gagnon. Un petit peloton de plaideurs libéraux avait entendu les paroles insultantes de celui qui fréquentait encore la faculté de droit.
    — Oui, concéda Edouard, tu as raison. Je vis une situation étrange : la femme de mon unique

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