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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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J’aimerais mieux recevoir à souper n’importe quel Allemand présent sur les champs de bataille des Flandres en même temps que moi plutôt que cette détestable Eugénie.
    Cette affirmation rendit la jeune femme dubitative.
    Excepté les salutations sur le parvis de la cathédrale, et depuis l’année dernière à l’église Saint-Dominique, jamais elle n’avait eu une conversation avec Eugénie. En ces rares occasions, elle avait pourtant perçu le mépris dans son regard.
    — Si elle était à Québec, dit-elle après une courte réflexion, elle refuserait de venir, je suppose. A ses yeux, je ne suis pas respectable. Une petite secrétaire...
    — Tu as raison, je ne doute pas un instant qu’elle te voie de cette façon. Mais ce soir, autour de la table, tout le monde saura que tu vaux mieux qu’elle. Même son mari.
    Mathieu quitta son siège pour venir près d’elle, posa son bras autour de ses épaules.
    — Tu n’en doutes pas, j’espère.
    Alors que Flavie s’apprêtait à protester, la sonnette de la porte retentit.
    — Il arrive déjà ?
    — Non, pas à cette heure. Ce doit être ma petite sœur.
    Le Jeffrey Hale se trouve tout près.
    Afin de ne pas se retrouver trois à table (« Si jamais nous jouons aux cartes», avait précisé le jeune homme), il avait invité Thalie. Il alla lui ouvrir la porte et la reçut avec des bises sonores.
    — Me voici, déclara-t-elle, la vieille fille pour tenir compagnie à l’homme marié abandonné par sa légitime.
    — Voyons, ne dis pas des choses comme cela, murmura Flavie, un peu troublée.
    — Mais je n’avais aucune idée impure derrière la tête, tu le sais bien.
    Les deux femmes échangèrent des bises, puis se livrèrent au récit des événements survenus depuis leur dernière rencontre.
    — Maintenant, dit la visiteuse, je vais aller voir comment Gertrude se débrouille dans la cuisine.
    — Elle m’a chassée il y a quelques minutes à peine.
    — Elle me chassera aussi. Notre vieux dragon affiche un comportement très équitable quand il s’agit de vider sa cuisine. Avec une exception : si celui-là allait se fourrer dans ses jambes, elle se ferait toute mielleuse.
    De l’index, Thalie désignait son aîné avec une expression moqueuse. Si la vieille domestique aimait les membres de sa maisonnée, elle adorait littéralement le grand garçon.
    — Auparavant, glissa Flavie, je veux te poser une question: travailles-tu
    cette
    semaine
    au
    cabinet
    du
    docteur
    Caron, en soirée ?
    — Vendredi. Tu as une raison de t’inquiéter?
    — Plutôt une espérance. Je veux me la faire confirmer et entendre tes conseils.
    — Oh ! Je comprends. Vendredi, sans faute. Si tu peux arriver un peu avant sept heures, tu passeras avant les autres.
    Maintenant, allons nous faire chasser par Gertrude.
    Bras dessus bras dessous, elles se dirigèrent vers la cuisine.
    Dans le couloir, Mathieu regarda la taille de sa femme.
    Vraiment, il ne constatait aucune différence.

    *****
    Un peu plus tard en soirée, dans la salle à manger, Fernand leva son verre de vin en disant:
    — Je vous souhaite d’être heureux dans votre nouvelle demeure : c’est à la fois un beau logis et un excellent placement.
    Un peu plus tôt, de sa voix de basse, le notaire avait expliqué à Flavie en mots simples, mais sans aucune condescendance, combien la décision de Mathieu se révélait sage.
    Avec la hausse annuelle des loyers, la maison finirait par se payer toute seule.
    — Je vous remercie, balbutia-t-elle... Je peux vous servir encore de ce rôti, monsieur Dupire ?
    — Vous ne voulez vraiment pas m’appeler par mon prénom? demanda le notaire. Votre mari et moi avons partagé le même bureau pendant une année complète. Cela crée des liens.
    — Je vais essayer, Fernand, mais je me sens un peu intimidée.
    Le rose lui montait aux joues, même si elle refusait de tremper ses lèvres dans sa coupe de vin. Un peu plus tôt, Thalie lui avait adressé un «Non» muet alors qu’elle levait son verre. Elle prenait cela comme un conseil formel de son médecin.
    — Ce repas est succulent, Flavie, déclara l’invité.
    — Je n’y ai aucun mérite, reconnut-elle, de nouveau rougissante. Mais je transmettrai votre compliment à Gertrude.
    — Oui, ce soir notre cordon-bleu se terre dans la cuisine, expliqua
    Thalie,
    mais
    elle
    attend
    sûrement
    notre
    appréciation pour ses efforts.
    — Je comprends donc que d’habitude, elle mange à table avec tout le monde,

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