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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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nombre de prêtres du diocèse de Québec devaient aussi recourir à cet expédient pour assurer la domination de leur esprit sur la chair. Parfois, les plus zélés utilisaient une ceinture munie de pointes en acier tournées vers la peau, s’infligeant de la sorte des blessures sérieuses.
    — Jésus n’attend pas cela de vous, plaida l’omnipraticienne, j’en suis certaine.
    — Mais il exige tout de nous, même la vie. Et je veux tout lui donner.
    Sur ces derniers mots, son visage trahit la plus grande ferveur.
    — Et les coups de griffe ? Vous faites cela de quelle façon ?
    — Avec mon compas.
    Raymond fit le geste de se frapper la cuisse pour lui montrer comment il s’y prenait.
    — Seigneur ! Mais pourquoi ? Porter le cilice ne vous suffit pas ?
    Le garçon affichait un curieux mélange de gêne et de fierté. Pour la première fois, il parlait de son enthousiasme religieux à une autre personne que son confesseur ou sa famille. Dans cette pièce toute blanche, soigneusement passée à la chaux pour en faire disparaître tous les risques d’infection, et devant cette jolie femme visiblement compréhensive, se confier devenait facile.
    — C’est pour tenir Chariot en échec.
    De nouveau, le visage de Thalie trahit la plus grande perplexité.
    — Qui est Chariot ?
    — ... Le diable. Il m’accompagne partout où je vais, pour m’induire en tentation. Mais surtout, il se tient dans un coin sombre de ma chambre. Quand je me couche, ou je me lève, il s’avance...
    Son interlocutrice comprenait quelles tentations pouvaient alors le tenailler. A l’entendre, le diable revêtait une absolue réalité, comme s’il s’agissait d’un être tangible. Les joues du garçon prenaient une teinte cramoisie à cette évocation.

    — Vous vous frappez alors avec le compas..., ajouta-t-elle.
    — Je me donne un coup de griffe, et Chariot retourne dans son coin sombre.
    S’infliger une douleur intense pour oublier la tentation...
    Cela devait fonctionner pendant quelques minutes, tout au plus. Pour un effet durable, la torture devait être constante.
    — Vous en avez parlé à votre conseiller spirituel ?
    Dans tous les collèges et les séminaires, les adolescents se faisaient fortement recommander de prendre un directeur de conscience, quelqu’un capable de les guider sur le chemin de la sainteté.
    — Je n’en ai pas encore... Sauf le curé de ma paroisse, bien sûr.
    — Monseigneur Buteau ?
    — Oui. Vous le connaissez?
    — C’est mon oncle.
    Raymond posa sur elle un regard un peu jaloux. Sa propre parenté se composait d’ouvriers et de cultivateurs.
    Il serait le premier ecclésiastique de sa famille.
    — Vous devriez renoncer à ces méthodes excessives, enchaîna-t-elle bientôt. Elles finiront par nuire à votre santé.
    — Mais je ne peux pas. Chariot...
    Comment une jolie jeune femme pouvait-elle raisonner un garçon si déterminé à mettre le péché en échec? Elle changea abruptement de sujet:
    — Dormez-vous suffisamment ?
    Des cernes assez profonds marquaient le dessous de ses yeux.
    — Oui, je dors.
    — Suffisamment?

    — Je ne dois pas traîner au lit quand je ne dors pas. Je me couche assez tard, ou assez fatigué pour m’endormir aussitôt. Et du moment où je suis éveillé, je saute du lit.
    La paresse étant la mère de tous les vices, surtout celui d’impureté, cet empressement limitait les tentations.
    — Et si vous faites le total de vos heures de sommeil ?
    — Six, peut-être sept. Je me lève à cinq heures, je me prépare pour l’école, puis je vais à la messe à la paroisse Saint-Roch.
    — Essayez de dormir un peu plus. À votre âge, six heures ne suffisent pas.
    Le sujet de conversation amena Thalie à regarder sa montre. Cette consultation s’étirait indûment. En se levant, elle afficha un sourire contraint.
    — Je dois vous chasser. Les autres malades...
    — Bien sûr, dit-il en se mettant sur ses pieds. Mais pour mon rhume ?
    — La fièvre des foins... Il n’y a rien à faire, sauf attendre les premiers gels.
    Sur ces mots, elle tendit la main, prenant le garçon au dépourvu par ce geste d’adulte. Il présenta la sienne. Avant de la relâcher, l’omnipraticienne dit encore :
    —J’aimerais parler de nouveau avec vous. Vous me promettez de revenir ?
    — Je ne sais pas...
    —Juste
    pour
    poursuivre
    notre
    conversation,
    ici,
    après la classe. C’est un petit détour, avez-vous dit tout à l’heure.
    — J’essaierai.
    Thalie le

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